Sélection de la langue

Recherche

Le Canada d'abord – Exploiter l'approvisionnement militaire en s'appuyant sur les capacités industrielles clés

(Version PDF - 3.3Mo)
Aide avec les médias substituts

Rapport du conseiller spécial à la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Veuillez noter que les numéros de page mentionnés dans ce document (pour les figures et encadrés) font référence aux numéros de page du document en version PDF

Février 2013

Available in English

No de catalogue : P4-52/2013F
ISBN : 978-0-662-78422-7

Informations publiques : Tous droits réservés. Aucune partie du présent ouvrage ne peut être reproduite par photocopie, enregistrement ou un autre moyen quelconque, ni être stockée, détenue ou transmise par ordinateur ou un autre système quelconque sans une permission écrite au préalable.

L'honorable Rona Ambrose
Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux
Ministre de la Condition féminine
Place-du-Portage III, 18A1
11, rue Laurier
Gatineau (Québec) K1A 0S5

Mme la Ministre,

C'est avec plaisir que je vous présente le rapport intitulé Le Canada d'abord – Exploiter l'approvisionnement militaire en s'appuyant sur les capacités industrielles clés. Ce rapport est le fruit du mandat qui m'a été attribué en tant que conseiller spécial, d'orienter la poursuite de la mise au point de la stratégie gouvernementale d'approvisionnement militaire. Comme vous le savez, ce rapport s'appuie sur les contributions de quatre Canadiens informés et expérimentés. Ces individus sont les suivants : M. Ray Castelli, Mme Christyn Cianfarani, le major-général (ret.) David Fraser et M. Peter Nicholson. Cela a été un honneur pour moi de collaborer avec ces individus dévoués.

Nous espérons que les informations et recommandations contenues dans ce rapport vous aideront, vous et vos collègues au Cabinet, à poursuivre cette tâche importante qu'est la mise au point d'une stratégie permettant d'exploiter au mieux les processus d'approvisionnement militaire au Canada en vue de favoriser la mise en place d'industries de la défense et de la sécurité au Canada qui soient à la fois innovantes et capables de faire face à la concurrence sur la scène internationale. L'objectif ultime de la démarche est de renforcer la souveraineté de notre nation sur le plan de la sécurité et de faire augmenter la rentabilité de nos investissements dans le secteur de la défense.

Je tiens à souligner le soutien que le groupe d'experts a reçu d'un petit secrétariat interministériel dirigé par M. Christopher Baird, de votre ministère. Nous les remercions, lui et ses collaborateurs, de leur travail et de leur dévouement. Nous remercions également les nombreux autres fonctionnaires du gouvernement du Canada et représentants des industries canadiennes liées au secteur de la défense qui nous ont fourni des commentaires et des suggestions de valeur pour ce rapport.

Veuillez agréer l'expression de mes sentiments les plus sincères.

Tom Jenkins, conseiller spécial

Remerciements

Secrétariat

Le groupe d'experts a bénéficié, dans son travail, de l'appui d'un secrétariat dirigé par M. Christopher Baird, directeur principal à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). M. Baird a lui-même bénéficié de l'appui de Lynne Barrowman, Suzanne Cardinal, Scott Davy, Quang Duong et David Reid. Le secrétariat a également reçu l'appui de fonctionnaires du ministère de la Défense nationale, d'Industrie Canada et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, du Bureau du Conseil privé et du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Autres remerciements

Le groupe d'experts tient à exprimer sa gratitude à M. Andrei Sulzenko, qui apporté une contribution très importante à la préparation du rapport, et à Jonathan Fortier, Véronique Nadeau et Mary Boland de TPSGC, qui ont contribué à la mise en page et à la production du rapport.

Il exprime également sa sincère gratitude à l'ambassade du Canada à Washington et en particulier à Mme Anya Lisowski et son équipe, qui ont coordonné les consultations du groupe d'experts auprès de diverses parties intéressées dans l'industrie de la défense des États-Unis—entre autres, des fonctionnaires du bureau du sous-secrétaire à la Défense, des bureaux des secrétaires adjoints de l'armée de l'air, de l'armée de terre et de la marine, du secrétaire adjoint à la Défense pour la recherche et le génie et de l'administration des services généraux.

En outre, le groupe d'experts souhaite remercier les nombreux organismes gouvernementaux et non gouvernementaux (mentionnés à l'annexe 2) dont les représentants ont pris le temps de fournir des observations ayant servi à orienter le travail du groupe.

Table des matières

Mandat et processus

La ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a nommé M. Tom Jenkins à titre de conseiller spécial concernant l'élaboration d'une stratégie d'approvisionnement militaire par le gouvernement du Canada. M. Jenkins a quant à lui recruté un groupe d'experts pour l'aider dans cette tâche. Le groupe d'experts de M. Jenkins s'est plus précisément vu attribuer le mandat suivant :

Le gouvernement du Canada s'est engagé à élaborer une stratégie d'approvisionnement militaire (SAM) qui satisfait aux exigences opérationnelles des Forces canadiennes de façon rapide et rentable, tout en optimisant la création d'emplois connexes, en appuyant les capacités de fabrication et l'innovation canadiennes et en soutenant la croissance économique. Le mandat du conseiller spécial est de contribuer à l'élaboration de la SAM en faisant ce qui suit :

  1. considérer et élaborer des critères qui contribueraient à la sélection des capacités industrielles clés (CIC) ayant trait aux industries canadiennes liées à la défense;
  2. établir un processus pour appliquer ces critères afin de déterminer des CIC;
  3. proposer une liste de personnes ou d'organisations auxquelles la ministre pourrait demander d'effectuer une évaluation des capacités industrielles de défense du Canada à l'aide des critères et du processus indiqués ci-dessus, afin de déterminer et de proposer une liste de CIC possibles.

Pour l'exécution de ce mandat, on a demandé au groupe d'experts de consulter tout un éventail d'intervenants, notamment des représentants du gouvernement du Canada qui jouent un rôle dans l'approvisionnement militaire, des représentants des secteurs de l'aérospatiale et de la défense et d'autres personnes ayant une expertise dans les affaires ou l'économie, au besoin. Ces consultations se sont déroulées sur invitation seulement et n'étaient pas ouvertes au public.

Le groupe d'experts a examiné les renseignements et les documents de référence pertinents du gouvernement du Canada, des autres pays et des organisations non gouvernementales, ainsi que les résultats et les recommandations d'un rapport spécial sur l'approvisionnement produit par le groupe d'experts chargé d'examiner le soutien du gouvernement fédéral à la recherche-développement, dans la mesure où ces résultats et recommandations étaient liés à l'approvisionnement gouvernemental, à l'innovation, au développement technologique et aux questions liées à l'industrie de la défense.

On a également demandé au groupe d'experts de prendre en compte les recommandations de l'Examen des programmes et des politiques de l'aérospatiale et de l'espace, dirigé par l'honorable David Emerson pour le compte du ministre de l'Industrie. Ce rapport a été publié à la fin de novembre 2012.

Le groupe d'experts de M. Jenkins a bénéficié du soutien administratif de fonctionnaires de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), qui ont assuré la coordination avec les autres ministères fédéraux, au besoin.

Sommaire

En 2008, le gouvernement du Canada a établi la Stratégie de défense Le Canada d'abord (SDCD), qui fournit un financement stable à long terme et une feuille de route détaillée pour la modernisation des Forces canadiennes sur une période de 20 ans.

Dans la SDCD, le gouvernement s'engage à investir au total 490 milliards de dollars dans le domaine du personnel, de l'équipement, de la disponibilité opérationnelle et des infrastructures, dont 240 milliards sont consacrés à l'approvisionnement dans ces trois derniers domaines (figure 1). Le gouvernement a indiqué qu'il avait l'intention de profiter de l'occasion unique offerte par cet investissement exceptionnel pour renforcer la compétitivité de l'industrie canadienne. Bien qu'un nombre considérable de processus d'approvisionnement évoqués dans la SDCD aient déjà eu lieu ou soient en cours de réalisation, il reste un grand nombre d'autres processus qui sont encore à venir et offrent la possibilité de susciter des retombées très substantielles à long terme pour le Canada sur le plan économique.

Le principal objectif du présent rapport est d'établir une approche permettant de maximiser les retombées globales des investissements du gouvernement prévus par la SDCD. Ceci signifie qu'on souhaite définir et défendre des capacités industrielles clés (CIC) au Canada, afin de permettre aux industries canadiennes de la défense de mieux répondre aux exigences opérationnelles des Forces canadiennes, tout en engendrant une croissance économique durable.

Les industries de la défense sont des industries uniques dans leur genre, puisque les gouvernements sont essentiellement leurs seuls clients et ont la liberté, dans le cadre des accords de commerce international, de favoriser les fournisseurs de leur marché intérieur. La production et le commerce de biens et de services militaires sont par conséquent fortement influencés par les gouvernements et cette influence favorise fortement, en général, le développement de l'industrie intérieure de la défense du pays concerné. Bon nombre des pays figurant parmi les plus fortement industrialisés ont une stratégie industrielle explicite ou implicite qui favorise leur propre secteur de la défense, parce qu'avoir une industrie de la défense si innovatrice et dynamique contribue de manière importante à la souveraineté et à la croissance économique. En deux mots, l'industrie de la défense d'une nation est indissociable des politiques et des pratiques du gouvernement. La seule question est celle de savoir si ce lien est stratégiquement proactif ou relativement passif : le présent rapport préconise une approche proactive.

Stratégie de défense le Canada d'abord - Total des dépenses militaires (2008/09 - 2017/28)

Stratégie de défense Le Canada d'abord » – Description de l'image en dessous. Figure 1 (source : Stratégie de défense Le Canada d'abord)

Description de l'image

Cette figure est un tableau à quatre colonnes indiquant les quatre piliers de l'investissement évoqué dans la SDCD (personnel, équipement, infrastructure, disponibilité opérationnelle), le montant total des dépenses prévues pour chaque pilier (en milliards de dollars) au cours de la période de 20 ans allant de 2008 à 2028 et le même montant prévu en pourcentage du total des investissements prévus par la SDCD, qui est de 490 milliards pour cette période. Elle fournit une description des principaux volets composant chaque pilier. (Le pilier « Personnel », par exemple, comprend les 70 000 membres de la Force régulière et les 30 000 membres de la Force de réserve des Forces canadiennes.)

Les politiques et les pratiques en matière d'approvisionnement jouent un rôle central dans l'élaboration d'une telle approche, puisqu'elles sont le principal moyen pour le client principal, à savoir le gouvernement du Canada, de favoriser les capacités d'innovation qui caractérisent une industrie de la défense de calibre international. Cet aspect est essentiel et la preuve en est que presque toutes les entreprises d'envergure qui sont basées au Canada et qui ont du succès dans le secteur de la défense aujourd'hui—dont plusieurs ont aussi de grandes activités dans le domaine civil—tirent leur origine d'un contrat du ministère de la Défense nationale (MDN) du Canada. Le premier contrat est vital, non seulement pour définir le coût du produit (nouveau ou amélioré) et peaufiner ses caractéristiques, mais aussi pour valider ce produit au-delà du marché intérieur. Le rendement de ce type d'investissement comprend la création de bons emplois canadiens à court terme. Mais l'indicateur de réussite bien plus important est le nombre de sociétés axées sur une forte croissance dont on a suscité la création à long terme.

Le contexte mondial

À l'échelle mondiale, les exigences liées à la défense se trouvent dans une période de transition rapide par rapport au passé immédiat. Cette transition se fait sous l'impulsion des États-Unis, qui représentent environ 50 p. 100 des dépenses militaires mondiales. Les É.-U. sont en train de redéfinir leurs besoins dans le cadre de l'évolution des priorités en matière de défense, des réductions budgétaires imminentes et de leur désengagement des grandes zones de conflit. On s'attend actuellement à ce que les dépenses militaires annuelles des É.-U. consacrées aux activités qui constituent le gros du marché pour les entreprises liées à la défense baisse de 25 p. 100 ou plus au cours des trois exercices financiers allant de 2011/2012 à 2014/2015 (figure 2).

La réduction des dépenses de défense aux É.-U. se produit alors que le pays réexamine sa position à long terme en matière de défense. Selon les consultations du groupe d'experts auprès de représentants du gouvernement et de l'industrie à Washington, on peut anticiper les types suivants de changements structuraux dans les priorités liées à la défense américaine :

Le fait que le ministère de la Défense des É.-U. met moins l'accent sur les nouvelles plates-formes, plus coûteuses, conduit les entreprises américaines à se concentrer sur des capacités plus spécialisées pour les plates-formes existantes, faisant ainsi concurrence plus directement aux entreprises canadiennes dans les créneaux du marché des É.-U. où ces dernières ont des capacités existantes ou éventuelles. Les entrepreneurs principaux américains réagissent également aux réductions prévues des dépenses en procédant à une intégration verticale de leurs activités de défense (c'est-à-dire en faisant l'acquisition de plus petites entreprises dans leurs chaînes d'approvisionnement) et en se diversifiant de manière horizontale dans des domaines commerciaux connexes, en particulier les TI, la logistique et la maintenance—qui sont tous des domaines où les Canadiens sont des experts.

On a là pour les fournisseurs canadiens une situation qui représente à la fois une menace et une possibilité : d'un côté, la menace est qu'on a une baisse globale des activités aux États-Unis et sur les autres marchés étrangers parce que les entrepreneurs principaux s'adaptent aux nouvelles réalités commerciales; dans le même temps, cela est compensé par de nouvelles possibilités de croissance pour les entreprises canadiennes dans des créneaux exclusifs qui complètent les capacités des É.-U. En outre, il y a un potentiel de croissance commerciale sur le marché canadien de l'approvisionnement militaire, qui est en relativement bonne santé, avec une augmentation de l'influence du gouvernement dans les négociations avec les entrepreneurs principaux cherchant à compenser la baisse de leur chiffre d'affaires sur d'autres marchés.

Dépenses militaires des É.-U.—E et M; approvisionnement; R-D essais et évaluations

Dépenses militaires des É.-U. – Description de l'image en dessous. Figure 2 (source : ministère de la Défense des É.-U.)

Description de l'image

Cette figure est un graphique décrivant la tendance dans les dépenses militaires des États-Unis en F et E, en approvisionnement, en R-D et en essais et évaluations, selon le budget du ministère de la Défense pour l'exercice financier 2013. Les données présentées commencent en 2008 avec environ 500 milliards de dollars et la tendance est à la baisse, pour atteindre un montant d'un peu plus de 375 milliards en 2014. Il y a ensuite une légère reprise, avec un peu moins de 400 milliards en 2015.

Dans les autres pays, les tendances divergent. Les alliés de l'OTAN en Europe sont également confrontés à une évolution des priorités et à des contraintes budgétaires et on prévoit que les dépenses militaires vont globalement baisser de près de 5 p. 100 entre 2009 et 2016. Par opposition à cela, le Canada poursuit ses efforts en vue de renouveler l'équipement de ses forces terrestres, maritimes et aériennes, avec des niveaux soutenus d'investissement dans l'équipement et la disponibilité opérationnelle qu'on n'avait pas vus depuis 60 ans. Dans le même temps, les marchés émergents sont en train de renforcer régulièrement leurs forces de défense et on s'attend à une croissance de plus de 40 p. 100 de ces forces entre 2009 et 2016.

Possibilité offerte par la Stratégie de défense Le Canada d'abord

Les exigences canadiennes sont en plein essor, avec un réapprovisionnement à hauteur de 240 milliards de dollars des trois branches des Forces canadiennes entre 2008 et 2027. Le principal pilier dans les dépenses relevant de la « disponibilité opérationnelle » (pièces de rechange, maintenance, réparation et formation) est la somme de 60 milliards de dollars attribuée à l'« équipement », qui comprend les flottes principales et la catégorie « autre capital ». Conformément aux estimations des dépenses de la SDCD, d'ici à la fin de l'exercice financier 2012/2013, ce sont environ 12 milliards de dollars, soit 20 p. 100 de ce total de 60 milliards de dollars, qui auront été attribués. Il reste donc 48 milliards de dollars de dépenses prévues d'ici à 2027/2028. D'après ce qu'ont compris les membres du groupe d'experts, il est prévu que la majeure partie du montant restant sera attribuée au cours des trois prochaines années. Cela semble indiquer que la période dont on peut profiter pour exploiter au maximum l'approvisionnement dans le secteur de la défense va bientôt arriver à son terme.

Le pilier de l'investissement dans la disponibilité opérationnelle de 140 milliards de dollars de la SDCD s'élève à environ deux fois et demie la valeur en dollars du pilier de l'équipement. Sur ce total, on a déjà attribué environ 24 milliards, ce qui laisse 116 milliards de dollars pour le reste de la période d'application de la SDCD, c'est-à-dire jusqu'à 2027/2028.

Les activités de réparation et de maintenance, qui sont souvent entreprises dans le cadre d'un contrat dit de « soutien en service » (SES), sont réparties sur l'intégralité de la période d'application de l'acquisition et peuvent atteindre jusqu'à quatre ou cinq fois la valeur de l'acquisition de l'équipement sur une période de 30 ans ou plus. Le SES comprend des choses qui vont de tâches relativement routinières à un travail très sophistiqué et de grande valeur, qui dépend des éléments de propriété intellectuelle (PI) dont l'entrepreneur principal est le propriétaire. L'accès des entreprises canadiennes aux segments supérieurs du marché du SES dépend beaucoup, par conséquent, des règles contractuelles établies pour chaque acquisition importante, parce que ce sont ces règles qui déterminent si les fournisseurs canadiens de SES auront accès aux éléments de PI requis et à quelles conditions.

Depuis 2008, le MDN a décidé d'intégrer le SES et d'autres éléments, comme la formation opérationnelle, dans une plate-forme d'acquisition, dans le but de réaliser ce qu'on appelle un « point unique de responsabilisation » (PUR). La justification de cette approche est qu'on veut atténuer le risque lié à l'exécution du contrat. Cette décision—qui concrètement fait que c'est l'entrepreneur principal initial qui contrôle les contrats de SES—a souvent eu pour conséquence non intentionnelle d'empêcher des entreprises canadiennes de faire des soumissions pour le SES ou d'autres travaux et de limiter la capacité qu'ont les entreprises canadiennes de renforcer leur position sur la chaîne de valeur en élaborant des solutions dans des créneaux spécifiques contribuant aux activités dans ces plates-formes.

Capacités de l'industrie de la défense au Canada

Les industries liées à la défense au Canada représentent plus de deux mille sociétés, plus de 70 000 employés et des recettes annuelles qu'on estimait à 12,6 milliards de dollars en 2011 et qui sont réparties presque également entre ventes sur le marché intérieur et ventes à l'exportation. Bon nombre de ces sociétés exercent principalement une activité commerciale, avec une certaine capacité militaire. Bien que les industries canadiennes liées à la défense disposent de capacités de calibre international dans certains domaines et aient une présence solide sur certains marchés à l'exportation, on pourrait nettement améliorer les débouchés sur le marché intérieur, ce qui mènerait à une augmentation des investissements et une industrie canadienne plus concurrentielle à l'échelle mondiale.

De nombreuses entreprises, particulièrement celles qui ont des produits spécialisés et innovateurs, se lancent avec un petit nombre de clients initiaux qui ont des besoins particuliers correspondant à leur produit. Dans le cas du secteur de la défense, ce client est presque toujours un gouvernement et, tant qu'un nouveau produit n'a pas fait ses preuves, il est peu probable qu'il puisse être commercialisé en dehors de son pays d'origine. Ceci explique pourquoi tant d'entreprises canadiennes du secteur de la défense qui connaissent la réussite aujourd'hui disent que ce sont un ou plusieurs contrats fédéraux qui ont servi de catalyseurs essentiels pour leur croissance subséquente. De fait, le groupe d'experts n'a découvert aucun exemple d'entreprise canadienne d'envergure dans le secteur de la défense qui se soit crée de façon véritablement « autonome » sous le seul effet des forces régissant l'économie de marché. Les nombreuses réussites antérieures dans l'industrie de la défense et de la sécurité du Canada montrent clairement la valeur d'une stratégie d'approvisionnement proactive qui soutient l'industrie et le rendement économique exceptionnel à long terme qui peut en découler lorsque les investissements du gouvernement sont bien ciblés.

L'une des principales sources de revenus pour l'industrie canadienne est le fait que le Canada a depuis longtemps la Politique des retombées industrielles et régionales (RIR)—qu'on évoque souvent de façon générique à l'aide du terme de « politique de contreparties »—laquelle exige des soumissionnaires retenus pour les contrats importants de la défense qu'ils dépensent l'équivalent de la valeur en dollars des contrats, qui sont souvent attribués à des entreprises étrangères, au Canada et en appui à l'industrie canadienne. En 2011, environ 23 milliards d'obligations en matière de RIR se sont accumulées à date. On s'attend à ce que les processus d'approvisionnement de la SDCD débouchent sur un montant supplémentaire de près de 60 milliards d'obligations entre 2012 et 2027 (figure 3). Ce montant est de loin supérieur à l'échelle des autres programmes canadiens qui appuient le développement des capacités industrielles liées à la défense au Canada.

Prévisions sur les obligations en matière de Retombées industrielles et régionales (2012-2027) Note de bas de page *

Prévisions sur les obligations en matière de RIR (2012-2027) – Description de l'image en dessous. Figure 3 (prévisions du groupe d'experts; voir les hypothèses de prévision à l'annexe 3)

Description de l'image

Cette figure est un graphique décrivant la croissance du montant total des obligations en matière de retombées industrielles régionales (RIR) entre 2011 (23 milliards de dollars) et le montant prévu de 49 milliards de dollars en 2027, avec une augmentation de 58 milliards de nouvelles RIR pendant la période 2012 – 2027, compensée par un montant de 32 milliards de dollars de RIR réalisées au cours de la même période.

À mesure que les obligations en matière de RIR s'accumulent, il est possible que le taux annuel de réalisation des obligations passe d'une moyenne de 1,5 milliard par an à 2 milliards par an d'ici à 2027 ou même plus, selon la capacité d'absorption de l'industrie canadienne. Les activités potentielles liées aux RIR pour les sociétés canadiennes, si elles sont bien ciblées, représentent une énorme occasion de favoriser l'innovation et la compétitivité du secteur de la défense à l'échelle mondiale dans le pays.

Les capacités industrielles clés

Les arguments en faveur de l'élaboration d'une véritable stratégie de promotion des industries liées à la défense au Canada pour exploiter l'approvisionnement militaire vont bien au-delà de l'évidence des débouchés présentés par la hausse actuelle de l'approvisionnement dans le secteur de la défense dans le cadre de la SDCD, et de la liberté disponible au gouvernement du Canada sous le cadre des accords de commerce international. Même en l'absence d'une telle augmentation importante des dépenses militaires, la nation a tout intérêt à se constituer une base industrielle intérieure solide dans le domaine de la défense, qui soit de beaucoup supérieure à la capacité de base de maintenance et de réparation et qui s'étende à la production des principaux produits et services, dans une situation de véritable souveraineté. Au-delà de cette justification axée sur la souveraineté, les industries liées à la défense sont des sources importantes de dynamisme et d'innovation sur le plan technologique. Elles sont des acteurs à la fine pointe dans les chaînes de valeur mondiales et elles sont à l'origine de produits d'exportation de grande valeur et d'emplois bien rémunérés. En conséquence, les industries liées à la défense du Canada devraient être soutenues de façon appropriée pour leur potentiel important en tant que moteurs de la croissance et de la prospérité à long terme du pays.

Le processus de définition et de promotion des CIC offre une approche ciblée en vue d'offrir un tel soutien. Le groupe d'experts pense que les CIC devraient ménager un équilibre entre les besoins pratiques à court terme du Canada et l'objectif à long terme d'une participation de grande valeur aux marchés mondiaux. Cela mène à des critères fondés sur les trois perspectives générales qui suivent :

Le critère de l'innovation est essentiel et ceci est confirmé par la tendance de fond dans les exigences du secteur de la défense des États-Unis, qui met de plus en plus l'accent sur des solutions technologiques aux menaces de l'avenir au lieu de s'appuyer sur la présence de forces sur le terrain. C'est également confirmé par la nécessité d'adopter, dans la planification à venir des exigences des missions pour les plates-formes de défense, une approche modulaire des sous-systèmes de haute technologie, parce que l'innovation se fait à des cadences différentes. Avec une telle approche modulaire, non seulement on arrive mieux à maîtriser les coûts, mais on garantit également que la plate-forme aura une longue durée de vie.

Lorsque le groupe d'experts s'est penché sur un processus en vue de déterminer les CIC, il a constaté qu'on ne disposait ni des données adéquates ni de la base analytique pouvant servir à effectuer une évaluation approfondie fondée sur les critères ci-dessus. Bien que le groupe d'experts se soit fait, dans le temps qui lui était imparti, une idée de l'ensemble des principales tendances, il n'a qu'une compréhension limitée des possibilités offertes par les marchés internationaux, du positionnement concurrentiel des différents fournisseurs étrangers, des capacités détaillées en place au Canada dans les domaines possibles pour les CIC et des exigences spécifiques en matière d'approvisionnement dans le domaine de la défense au Canada.

Étant donné l'urgence de la situation—découlant de l'imminence de décisions majeures sur l'approvisionnement au Canada au cours des trois prochaines années et de la perspective de l'augmentation de la concurrence en raison de la réduction des marchés de la défense aux États-Unis et en Europe—les décisions relatives aux CIC ne peuvent pas attendre les résultats d'une initiative analytique majeure. Le groupe d'experts a par conséquent choisi de proposer au gouvernement un ensemble initial de CIC à partir des données disponibles et de ses consultations.

Dans ce contexte, nous proposons deux étapes : tout d'abord, définir un ensemble initial de CIC pour orienter la prise de décisions; et ensuite, procéder à un examen régulier et plus robuste—initialement dans les quatre années à venir—pour valider ou modifier la sélection initiale selon l'expérience et parce qu'on dispose de meilleures données et analyses. Pour accélérer cette deuxième étape, le groupe d'experts pense que le gouvernement devrait prendre immédiatement, en partenariat avec l'industrie et le milieu universitaire, des mesures pour permettre l'établissement d'une capacité de recherche et d'analyse dans le secteur de la défense, avec un organisme externe indépendant au Canada.

Pour définir la série initiale de CIC, le groupe d'experts a effectué une mise en correspondance exhaustive entre les capacités canadiennes et les trois critères de sélection proposés, en prenant tout particulièrement en note les objectifs et les exigences présentés dans le document de la SDCD et les opinions des représentants militaires des É.-U. des trois services au sujet de la complémentarité des capacités industrielles américaines et canadiennes. Le groupe d'experts a aussi pris en compte la liste des 16 capacités des membres fournie par l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité (AICDS) (voir l'annexe 5).

Selon ces considérations, le groupe d'experts recommande l'ensemble suivant de six regroupements de CIC :

Le groupe d'experts estime que ces CIC représentent environ un quart de l'ensemble des approvisionnements dans le secteur de la défense au Canada liés à l'équipement et à la disponibilité opérationnelle, soit environ 10 p. 100 du total des dépenses prévues dans le cadre de la SDCD.

Facteurs de réussite pour la mise en œuvre des capacités industrielles clés

La définition des CIC n'est qu'une étape dans l'élaboration d'une stratégie visant à améliorer la croissance durable à long terme dans les industries canadiennes liées à la défense. Les CIC définissent les secteurs ayant le plus grand potentiel, mais elles demeureront sans effet si elles ne sont pas intégrées dans les cadres stratégiques et les cadres de programmes du gouvernement. Pour que les CIC jouent un rôle de catalyseur fort dans l'amélioration du rendement industriel, il faudrait que le gouvernement apporte des changements à la fois à ses politiques d'approvisionnement militaire du côté de la demande et aux programmes connexes du côté de l'offre qui soutiennent la R-D et le transfert de technologies dans le domaine de la défense.

Voici une liste qui illustre les secteurs dans lesquels on pourrait appliquer un volet spécial sur les CIC :

Au cours des consultations du groupe d'experts auprès des représentants de l'industrie et du gouvernement, plusieurs questions liées aux politiques et aux programmes se sont nettement dégagées, les plus cruciales d'entre elles se rapportant au côté de la demande :

Le groupe d'experts pense que l'utilisation stratégique de l'approvisionnement nécessite qu'on fasse plus que prendre une série de décisions sur des acquisitions particulières dans le cadre de la SDCD. Il faut, au lieu de cela, adopter une approche équilibrée, avec un « portefeuille » ménageant un équilibre entre les quatre options fondamentales pour l'approvisionnement, afin d'éviter de dépendre excessivement d'une option particulière et d'atténuer ainsi le risque sur le plan du rendement et du coût :

  1. développer un nouveau produit sur le marché intérieur;
  2. adapter un produit existant aux besoins du Canada;
  3. développer un produit dans le cadre d'un partenariat international;
  4. faire l'acquisition d'un produit existant à l'étranger.

Les avantages pour l'économie canadienne découlant du portefeuille existant d'approches de l'approvisionnement dépendent dans une large mesure des engagements importants en matière de RIR associés aux plates-formes majeures— c'est-à-dire de l'option 4. Pour bien gérer les risques, il faut une augmentation du recours à d'autres manières d'obtenir des retombées pour l'industrie canadienne, y compris des éléments relevant des options 1 et 2 ci-dessus, ce qui permettra de réduire la dépendance vis-à-vis des RIR dans la structure actuelle. À cet égard, le groupe d'experts pense que, pour parvenir à un bon équilibre à l'avenir dans le portefeuille, il serait bon de limiter la part d'une option donnée d'approvisionnement, quelle qu'elle soit, à 50 p. 100 maximum.

En plus d'une stratégie globale ayant pour but de rééquilibrer le portefeuille de l'approvisionnement militaire, il sera important d'apporter des changements dans le cadre de chacune des quatre options afin de maximaliser les retombées d'une approche centrée sur les CIC. En ce qui concerne l'option 4 spécifiquement, il y a principalement deux difficultés qui se présentent : la pratique consistant à exiger un PUR; et l'application de la politique des RIR.

En ce qui a trait au PUR, la pratique actuelle est de l'attribuer à un entrepreneur principal étranger pour la durée de vie de l'approvisionnement. Cela a non seulement tendance à exclure la participation canadienne au soutien en service, mais cela peut aussi empêcher les entreprises canadiennes de gravir les échelons de la chaîne de valeur lorsqu'elles élaborent des solutions relevant de créneaux bien particuliers qui jouent un rôle dans ces plates-formes. Afin d'encourager le développement de capacités canadiennes particulières et de voir l'émergence éventuelle d'entreprises canadiennes susceptibles d'être elles-mêmes des entrepreneurs principaux, il faut que le modèle de responsabilisation pour les acquisitions de plate-forme prenne en compte non seulement l'efficacité opérationnelle, mais également les possibilités de développement économique.

En ce qui a trait aux RIR, même avec l'augmentation du recours aux autres options pour l'approvisionnement, elles resteront un moyen important de stimuler l'activité économique au Canada. Toutefois, la conception et la mise en œuvre actuelles de la politique des RIR produisent des résultats insuffisants dans l'environnement d'aujourd'hui. L'approche axée sur l'économie de marché de la politique—dans laquelle la sélection des projets de RIR se fait à la seule discrétion de l'entrepreneur principal—correspond plutôt aux besoins de l'économie canadienne dans les années 1980, où les dépenses, quelle que soit la nature de l'activité soutenue, servaient à créer des emplois, dont on avait bien besoin. Cette approche est bien moins adaptée en 2013, car aujourd'hui, c'est la qualité, plutôt que la quantité, des possibilités d'emploi au Canada qui représente le défi de politique publique le plus important. Il convient donc d'orienter nettement plus les RIR vers les possibilités d'emploi à haute spécialisation et à rémunération élevée. Il faut une gestion plus proactive de la politique des RIR pour défendre les intérêts du Canada, au lieu de l'approche qui prédomine à l'heure actuelle et qui laisse les décisions relatives aux RIR essentiellement à la discrétion des entrepreneurs principaux.

Avec une telle approche révisée des RIR :

En temps normal, il faut beaucoup de temps pour mettre en œuvre des changements importants dans les politiques et les programmes et sur le plan institutionnel. Mais il faut désormais avoir une « fonction de contrainte » pour s'assurer que les changements voulus auront lieu rapidement, avant que la majeure partie des décisions importantes en matière d'approvisionnement militaire soient prises dans les quelques années à venir. Ceci se traduit par une seule exigence essentielle : il faut qu'on ait un effort de coopération entre les ministères et agences du gouvernement, en collaboration avec l'industrie, dans lequel on prend clairement les choses en main, avec une responsabilisation des parties intéressées et des buts, des indicateurs et un processus d'évaluation clairement définis.

Examen des programmes et des politiques de l'aérospatiale et de l'espace

Le groupe d'experts s'est également penché sur les recommandations de l'Examen des programmes et des politiques de l'aérospatiale et de l'espace (EPPAE), publié en novembre 2012. Le volet de l'EPPAE sur l'aérospatiale comporte plusieurs recommandations qui coïncident clairement avec les conclusions du groupe d'experts et les confirment :

Dans l'ensemble, il y a une forte compatibilité entre le travail du groupe d'experts et l'idée principale sous-tendant les recommandations de l'EPPAE.

Recommandations

Le groupe d'experts approuve vivement la mise en œuvre du concept des capacités industrielles clés (CIC), qui doit servir de force motrice et active pour exploiter pleinement les possibilités économiques offertes aux Canadiens par les projets prévus d'approvisionnement militaire. Les recommandations globales suivantes—dont la justification est développée tout au long du présent rapport—représentent nos conseils pour atteindre cet objectif :

  1. Il est nécessaire de considérer qu'il y a urgence en ce qui concerne la mise en œuvre d'un ensemble d'initiatives axées sur les CIC, vu que :
    1. on prévoit de prendre des décisions au cours des trois prochaines années en ce qui a trait à la majorité des processus importants d'approvisionnement militaire restants qui découlent de la Stratégie de défense Le Canada d'abord (SDCD);
    2. il y a un besoin d'exploiter les capacités canadiennes, en raison de la dynamique concurrentielle qui évolue rapidement dans l'environnement / sur le marché mondial de la défense;
    3. il y a une occasion qui se présente de capturer dès les premiers stades les retombées économiques d'une approche de l'approvisionnement militaire axée sur les CIC.
  2. Il faudrait que la sélection des CIC se fasse selon les critères suivants :
    1. les besoins spécifiques définis par les Forces canadiennes;
    2. la réussite d'une percée sur les marchés mondiaux;
    3. les débouchés pour les produits innovateurs.
  3. Étant donné l'urgence de la situation, il faudrait adopter les séries suivantes de CIC de façon provisoire pour orienter les décisions en matière d'approvisionnement militaire :
    • sécurité de l'Arctique et sécurité maritime
    • protection des soldats
    • commandement et soutien
    • cybersécurité
    • systèmes de formation
    • soutien en service
  4. Pour mieux guider l'approvisionnement à l'avenir et faciliter le réexamen régulier des CIC, il faudrait que le gouvernement élabore un plan de travail robuste pour la collecte et l'analyse des données sur les conditions globales de l'offre et de la demande dans les industries liées à la défense. Dans le cadre de ce plan de travail, il faudrait que le gouvernement permette la mise sur pied d'un institut ou d'un réseau d'analyse militaire indépendant dirigé par une tierce partie.
  5. La seule façon pour le gouvernement de profiter pleinement des retombées des CIC est d'apporter des modifications à ses politiques et ses programmes d'approvisionnement militaire existants. Nous recommandons les changements suivants :
    1. faire de l'innovation et de la contribution à l'économie canadienne des facteurs clés dans tous les projets d'approvisionnement militaire à l'avenir, en exigeant que les soumissionnaires précisent, à l'avance, sous la forme d'engagements qui seront cotés, la valeur qu'ils ajouteront à l'économie du Canada grâce à leur soumission; il faudrait que les offres incluent au minimum les éléments suivants : transfert de technologie et conservation des éléments de PI, innovation sur place dans le pays, mandats d'envergure mondiale pour les produits et développement de compétences et de formations spécifiques;
    2. réexaminer et réformer l'ensemble des politiques et des pratiques d'approvisionnement militaire abordées dans le présent rapport—par exemple, en ce qui a trait à l'exception au titre de la sécurité nationale et de la Politique sur le contenu canadien—pour encourager et favoriser de façon plus efficace l'innovation industrielle au Canada, en se concentrant sur les domaines des CIC;
    3. réexaminer la pratique voulant que l'entrepreneur principal soit le « point unique de responsabilisation » (PUR). Chaque plan d'approvisionnement devrait examiner l'impact du PUR sur la mise en œuvre d'une stratégie d'approvisionnement pour la défense;
    4. exiger, pour les contrats de soutien en service (SES), dans le souci de préserver la souveraineté et les retombées économiques, la participation ou la direction d'entreprises canadiennes, en incluant, si nécessaire, un niveau raisonnable d'accès aux éléments de PI exigés.
  6. Afin de réduire la dépendance vis-à-vis des RIR, il faudrait que le gouvernement cherche, au fil du temps, à ménager un meilleur équilibre dans le portefeuille des options d'approvisionnement : (1) développer un nouveau produit sur le marché intérieur; (2) adapter un produit existant aux besoins du Canada; (3) développer un produit dans le cadre d'un partenariat international; (4) faire l'acquisition d'un produit existant de l'étranger. Aucune des quatre options ne devrait représenter plus de 50 p. 100 du portefeuille.
  7. Le gouvernement devrait prendre des mesures visant à assurer la bonne gouvernance d'un approvisionnement axé sur les CIC :
    1. en nommant un haut fonctionnaire responsable, par l'entremise d'un processus de gouvernance de soutien, de la mise en œuvre d'une stratégie axée sur les CIC, allant des politiques aux opérations, avec l'objectif de réaliser un ensemble de résultats cohérents « à l'échelle de l'ensemble du gouvernement », qui maximalise les retombées économiques pour le Canada;
    2. en fournissant les ressources appropriées pour les principaux secteurs d'importance, en particulier la gestion des retombées industrielles et régionales (RIR);
    3. en poursuivant l'approche adoptée dans la SDCD, avec la consultation de l'industrie dès le début du processus d'approvisionnement, afin d'améliorer la planification des activités commerciales et les décisions en matière d'investissement.
  8. Étant donné l'urgence de la mise en place d'une stratégie d'approvisionnement pour la défense, il faudrait que le gouvernement produise d'ici un an un rapport sur les progrès accomplis dans l'application des recommandations ci-dessus.

Les arguments en faveur d'une stratégie d'approvisionnement militaire axée sur les CIC sont très convaincants. La portée et l'ampleur de l'approvisionnement prévu dans le cadre de la SDCD exigent une réponse rapide et détaillée du gouvernement, puisqu'il s'agit d'une possibilité unique du type qu'on ne rencontre qu'une fois dans sa vie d'exploiter l'approvisionnement militaire pour produire des retombées économiques durables à long terme. Le catalyseur crucial de cette réponse est l'adoption par le gouvernement de mesures se concentrant sur la mise sur pied de CIC.

Section 1 : Introduction

Le principal objectif des dépenses militaires du gouvernement est de s'assurer que les Forces canadiennes (FC) sont munies de l'équipement et des services de haute qualité dont elles ont besoin pour satisfaire aux exigences opérationnelles de façon rapide et rentable. En 2008, le gouvernement du Canada a établi la Stratégie de défense Le Canada d'abord (SDCD), qui fournit un financement stable à long terme et une feuille de route détaillée pour la modernisation des FC sur une période de 20 ans. Cette modernisation nécessitera le plus important investissement dans la capacité militaire du Canada des 50 dernières années (figure 1).

Défense militaires - Historique et prévisions de la Stratégie de défense Le Canada d'abord

(en milliards de dollars, après ajustement pour l'exercice financier 2000)

Défense militaires - Historique et prévisions de la SDCD – Description de l'image en dessous. Figure 1 (sources : Craig Stone, du Collège des Forces canadiennes, et la Stratégie de défense Le Canada d'abord)

Description de l'image

Cette figure montre l'évolution des dépenses militaires au Canada et les prévisions de dépenses fournies par la Stratégie de défense Le Canada d'abord (SDCD), après ajustement pour l'exercice financier 2000. Après le pic de la période de la guerre de Corée, à environ 28 milliards de dollars, le montant est tombé à environ 15 milliards dans les années 1960, puis à 10 milliards environ dans les années 1970. Il est reparti à la hausse pour atteindre environ 15 milliards dans les années 1990, puis est retombé à environ 12 milliards en l'an 2000. Les prévisions sont qu'il remontera à 19 milliards de dollars environ d'ici à 2020.

Dans la SDCD, le gouvernement s'engage à investir 490 milliards de dollars sur 20 ans dans le domaine de l'équipement, de la disponibilité opérationnelle et des infrastructures. (Voir la figure 2 à la page 2.) Les données fournies dans la SDCD le sont à titre indicatif seulement; on s'attend à ce qu'elles soient ajustées de temps à autre, mais le groupe d'experts ne s'attend pas à des changements substantiels. Le gouvernement a indiqué qu'il avait l'intention de profiter de l'occasion unique offerte par cet investissement exceptionnel pour renforcer la compétitivité de l'industrie canadienne, de manière à favoriser de façon durable la croissance économique et la création d'emplois. Selon les termes employés par le premier ministre Stephen Harper dans le document de la SDCD :

En dévoilant un plan détaillé du remplacement des principales flottes d'équipement, nous donnons au secteur industriel canadien l'occasion de répondre plus efficacement aux exigences de la Défense en matière d'acquisitions et de se positionner en matière d'excellence.

Bien qu'un nombre considérable de processus d'approvisionnement évoqués dans la SDCD aient déjà eu lieu ou soient en cours de réalisation, il reste un grand nombre d'autres processus qui sont encore à venir et offrent la possibilité de susciter des retombées très substantielles à long terme pour le Canada sur le plan économique.

Stratégie de défense le Canada d'abord - Total des dépenses militaires (2008/09 - 2017/28)

Stratégie de défense Le Canada d'abord - total des dépenses militaires – Description de l'image en dessous. Figure 2 (source : Stratégie de défense Le Canada d'abord)

Description de l'image

Cette figure est un tableau à quatre colonnes indiquant les quatre piliers de l'investissement évoqué dans la SDCD (personnel, équipement, infrastructure, disponibilité opérationnelle), le montant total des dépenses prévues pour chaque pilier (en milliards de dollars) au cours de la période de 20 ans allant de 2008 à 2028 et le même montant prévu en pourcentage du total des investissements prévus par la SDCD, qui est de 490 milliards pour cette période. Elle fournit une description des principaux volets composant chaque pilier. (Le pilier « Personnel », par exemple, comprend les 70 000 membres de la Force régulière et les 30 000 membres de la Force de réserve des Forces canadiennes.)

Le gouvernement a déjà entrepris un certain nombre d'initiatives pour appuyer l'élaboration d'une stratégie d'approvisionnement militaire. Dans le budget de 2012, il a pris l'engagement d'élargir le Programme canadien pour la commercialisation des innovations (PCCI) en y incluant une dimension militaire et de rendre le PCCI permanent. L'un des autres jalons importants a été le lancement réussi, en 2010, de la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale (SNACN) (voir l'encadré ci-contre). Cette stratégie a fait intervenir un processus rigoureux en vue de sélectionner deux chantiers navals pour répondre aux exigences de renouvellement de la flotte maritime du gouvernement sur une période de 20 à 30 ans. Ce processus s'est déroulé sous l'impulsion d'une mise à contribution de l'industrie, de l'utilisation d'experts, de la prise de décisions par des tierces parties indépendantes n'ayant aucun intérêt direct dans les résultats et d'une gouvernance assurée au niveau des sous-ministres.

Dans l'élaboration de la stratégie d'approvisionnement militaire du gouvernement, on s'est régulièrement appuyé sur le travail du groupe d'experts sur le soutien du gouvernement fédéral à la recherche-développement présidé par M. Tom Jenkins, qui comprenait un Rapport spécial sur l'achat et l'approvisionnement dans le cadre de ses recommandations. L'une des orientations en matière de politique suggérées dans ce rapport était pour le Canada de s'inspirer de l'approche de la plupart des autres pays alliés, en appuyant le développement de capacités industrielles plus compétitives à l'échelle mondiale dans le cadre de son processus d'approvisionnement militaire, particulièrement étant donné le potentiel d'exploitation que représente l'investissement de 240 milliards de dollars envisagé sur une période de vingt ans, de 2008/2009 à 2027/2028.

Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale

Le 3 juin 2010, le gouvernement du Canada a annoncé la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale (SNACN), plan à long terme visant à reconstruire les flottes de la Marine royale canadienne et de la Garde côtière canadienne. Dans le cadre de la SNACN, le gouvernement a établi une relation stratégique avec deux chantiers navals canadiens (Irving Shipbuilding Inc. à Halifax pour les navires de combat et Seaspan à North Vancouver pour les navires non liés au combat) et les a désignés comme sources d'approvisionnement pour la construction des grands navires du gouvernement.

Cette stratégie favorisera, sur une période de 20 à 30 ans, la création de milliers d'emplois et engendrera des retombées économiques considérables (d'une valeur de 35 milliards de dollars sur trois décennies) à l'échelle du pays. Cela comprendra des emplois de grande valeur dans des domaines tels que la fabrication d'acier, les technologies de l'information et le développement et l'intégration des systèmes de défense. Ces projets engendreront des activités considérables pour les petites et moyennes entreprises à l'échelle du Canada.

Le gouvernement a retenu M. Tom Jenkins en septembre 2012 au titre de conseiller spécial auprès de la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSG) pour guider l'élaboration plus poussée de sa stratégie. M. Jenkins a été chargé de déterminer les critères et les processus visant à guider la sélection des capacités industrielles clés (CIC) associées aux industries relevant du domaine de la défense du Canada. M. Jenkins s'est appuyé dans ce travail sur un groupe d'experts formé de quatre personnalités canadiennes de distinction originaires de diverses régions du Canada et possédant des expériences diverses et pertinentes pour ce travail (M. Ray Castelli, Mme Christyn Cianfarani, le major-général (ret.) David Fraser et M. Peter Nicholson—voir les biographies des membres à l'annexe 1).

Le groupe d'experts a entamé son travail immédiatement après l'annonce de la ministre de la nomination de M. Jenkins, le 26 septembre 2012. On a effectué des consultations approfondies auprès de représentants de l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité (AICDS) et de l'industrie de la défense aux É.-U., ainsi que des fonctionnaires du gouvernement canadien, du gouvernement des É.-U. et des gouvernements d'autres pays étrangers et des experts de l'extérieur. (Les participants sont énumérés à l'annexe 2.)

Importance économique de l'approvisionnement de la défense

Le principal objectif du présent rapport est d'établir une approche permettant de maximiser les retombées de l'investissement prévu par la SDCD sur le plan industriel et économique, par l'entremise d'une stratégie qui : est axée sur les capacités industrielles clés; répond aux exigences des Forces canadiennes; et s'appuie sur des pratiques d'approvisionnement conformes aux obligations commerciales du Canada.

Il est avéré à l'échelle mondiale que les industries de la défense sont des industries uniques dans leur genre, puisque les gouvernements sont quasiment leurs seuls clients. La production et le commerce de biens et de services militaires sont par conséquent fortement influencés par les gouvernements et cette influence favorise fortement, en général, le développement de l'industrie intérieure de la défense du pays concerné. Les raisons à cela sont doubles : il s'agit, tout d'abord, de renforcer la souveraineté en maintenant à jour la capacité intérieure qu'a le pays de répondre aux exigences cruciales de sécurité nationale; il s'agit ensuite de favoriser le développement industriel et la croissance économique. Bon nombre des pays figurant parmi les plus fortement industrialisés (comme les É.-U., le R.-U., la France, la Suède et les Pays-Bas, entre autres) ont une stratégie industrielle explicite ou implicite qui favorise leur propre secteur de la défense. Cette situation découle du fait qu'avoir une industrie de défense innovatrice et dynamique contribue de manière importante à la souveraineté et à la croissance économique. En deux mots, l'industrie de la défense d'une nation est indissociable des politiques et des pratiques du gouvernement. La seule question est celle de savoir si ce lien est stratégiquement proactif ou relativement passif : le présent rapport préconise une approche proactive.

L'adoption d'une stratégie d'approvisionnement militaire axée sur les CIC aurait un coût. Il peut, par exemple, y avoir un risque accru lorsqu'on soutient un fournisseur du pays pour un produit sophistiqué ou bien on risque d'avoir à payer plus cher que ce qu'on payerait si on cherchait le fournisseur le moins cher dans le monde. Cependant, comme bon nombre des alliés du Canada le reconnaissent, les avantages du renforcement de la souveraineté et des possibilités de stimuler la croissance économique à long terme peuvent plus que compenser le coût supplémentaire à court terme d'une telle approche. L'une des principales raisons pour cela est que bon nombre des aspects de la production dans le secteur de la défense sont des facteurs particulièrement efficaces quand il s'agit de favoriser la croissance, parce qu'ils sont technologiquement avancés et, ainsi, riches en possibilités d'innovation et de développement de compétences humaines à la fine pointe, pour lesquelles on peut aussi découvrir des applications en dehors de l'industrie de la défense. Ce sont là précisément les ingrédients nécessaires pour exporter la réussite et pour assurer le transfert et l'adaptation des capacités relatives à la défense aux marchés civils.

Les politiques et les pratiques en matière d'approvisionnement jouent un rôle central dans toute stratégie qui vise à maximiser le potentiel d'exploitation de l'approvisionnement militaire pour le Canada, puisqu'elles sont le principal moyen pour le client principal, à savoir le gouvernement du Canada et plus particulièrement le ministère de la Défense nationale (MDN), de favoriser les capacités d'innovation qui caractérisent une industrie de la défense de calibre international. À cet égard, le groupe d'experts sur le soutien du gouvernement fédéral à la recherche-développement a constaté qu'après les employés, la deuxième source la plus importante d'idées innovatrices pour les sociétés canadiennes était clairement les clients ou les consommateurs (voir l'encadré « D'où les entreprises tirent-elles leurs idées pour innover? » à la page 7).

Le rôle du gouvernement en tant que client est essentiel au développement d'une industrie innovante et la preuve en est que presque toutes les entreprises qui ont du succès dans le secteur de la défense au Canada aujourd'hui—dont plusieurs ont aussi de grandes activités dans le domaine civil—tirent leur origine d'un contrat du gouvernement du Canada (voir l'encadré « Réussites canadiennes dans l'industrie de la défense » à la page 4). Le premier contrat est vital, non seulement pour définir le coût du produit (nouveau ou amélioré) et peaufiner ses caractéristiques, mais aussi pour valider ce produit au-delà du marché intérieur. En fait, le groupe d'experts n'a découvert aucun exemple de fournisseur canadien d'envergure dans le secteur de la défense qui se soit créé de façon véritablement « autonome » sous l'effet ordinaire des forces de l'économie de marché.

Le rendement attendu du capital investi dans le cadre d'une stratégie d'approvisionnement militaire comprend par conséquent la création de bons emplois canadiens à court terme. Mais l'indicateur de réussite à long terme, qui est bien plus important, est le nombre de sociétés axées sur la croissance dont on a suscité la création.

La partie principale de ce rapport

Réussites canadiennes dans l'industrie de la défense CAE Inc.

CAE a été fondée en 1947 et son siège social est au Canada. L'entreprise s'est lancée dans l'industrie de la simulation en 1952 avec un contrat de l'Aviation royale canadienne pour élaborer un simulateur de vol CF-100. Après la première vente, l'entreprise a vendu 10 autres unités, y compris une première commande à l'exportation pour l'aviation belge.

En 2009, CAE a reçu un contrat de fournisseur de systèmes d'entraînement opérationnel (FSEO) pour fournir des systèmes et des services de formation pour le transport aérien tactique, les hélicoptères de tonnage moyen à lourd et éventuellement d'autres flottes aéronautiques du Canada. Ce statut de FSEO contribuera à créer et à maintenir des emplois de haute qualité et hautement spécialisés dans l'ensemble du Canada, dont environ 1 330 personnes-années pour la formation des équipages de l'aéronef CC-130J et 1 040 personnes-années pour la formation des équipages de l'hélicoptère CH-147F Chinook.

Depuis ses débuts, CAE a vendu plus de 1 300 simulateurs et dispositifs de formation au vol à des clients civils et militaires, ce qui a fait passer ses recettes à 1,8 milliard de dollars en 2012. Aujourd'hui, l'entreprise vend ses produits et services dans plus de 190 pays et emploie plus de 8 000 personnes. CAE est le chef de file mondial en équipement de simulation, dans la formation liée à l'aviation commerciale, dans la formation liée au vol en hélicoptère, dans la formation aérienne virtuelle pour l'armée et dans la technologie de la simulation des soins de santé.

General Dynamics Land Systems Canada – Véhicule blindé léger III

General Dynamics Land Systems-Canada (GDLS-C) a son siège à London, en Ontario, et est un chef de file mondial dans la conception et la fabrication de véhicules blindés légers à roues et les services de soutien pour ces véhicules. Il s'agit d'une entreprise de plusieurs milliards de dollars, avec plus de 2 300 employés hautement spécialisés.

GDLS-C était à l'origine une division de General Motors of Canada. Au milieu des années 1970, Diesel Division General Motors du Canada (DDGM) a signé un contrat avec le gouvernement canadien pour fournir 350 véhicules blindés polyvalents (VBP) et ce chiffre est plus tard passé à 491 véhicules. En 1977, le gouvernement a fourni un éventail de mesures d'aide à DDGM pour faciliter l'exportation des VBP. Par la suite, les ventes à l'exportation de DDGM ont compris 800 unités pour le Marine Corps des États-Unis. Durant les années 90, le gouvernement a conclu un contrat avec DDGM pour 203 véhicules de reconnaissance Coyote et 651 VBL III véhicules blindés de transport de personnel. L'entreprise a fourni une version du VBL III à l'armée des É.-U. et cela a mené au développement des véhicules Stryker. (Près de 4 500 unités d'une valeur totale d'environ 9,5 G $ ont été vendus à l'armée des É.-U. entre 2001 et 2011.) L'entreprise DDGM est devenue General Dynamics Land Systems-Canada (GDLS-C) en 2003.

Depuis ces contrats, GDLS-C a engendré des ventes directes de VBL, dont la valeur totale au cours des 35 dernières années environ dépasse 17 G $. L'entreprise a créé, au total, environ 500 000 personnes-années d'emploi au Canada et a établi une base de fournisseurs avec plus de 400 entreprises canadiennes qui se trouvent dans toutes les provinces du pays.

AirBoss-Defense

AirBoss-Defense était à l'origine, dans les années 1920, l'un des nombreux fabricants de bottes de caoutchouc au Canada et aux États-Unis. À la fin des années 1990, il ne restait plus qu'une poignée de telles usines en Amérique du Nord, qui se concentraient sur des créneaux particuliers, comme les chaussures pour les pompiers et les militaires. AirBoss-Defense est la dernière usine de fabrication de bottes assemblées à la main en Amérique du Nord.

Au cours des années 1990, le gouvernement du Canada a joué un rôle crucial, avec des partenariats et des collaborations avec l'industrie, en mettant au point de nouvelles technologies visant à répondre aux besoins des Forces canadiennes et en aidant à maintenir la R-D au Canada. L'un des exemples de ce type de partenariat est le gant moulé de protection contre les substances chimiques et bactériologiques qui a été mis au point par AirBoss-Defense et RDDC à Suffield; quelque 120 000 paires de gants ont été vendues au MDN au cours de la dernière décennie. Les retombées les plus importantes sont liées à la licence de propriété intellectuelle qui a permis à AirBoss-Defense de devenir le principal fournisseur du ministère de la Défense des États-Unis et de nombreux clients à l'étranger. Ces ventes ont permis non seulement de créer de nombreux emplois au fil des ans, mais aussi d'engendrer plus de 3 millions de dollars en redevances versées à l'État canadien.

En 1991, AirBoss-Defense a engendré des recettes d'environ 2,5 M $. À la fin des années 1990, les ventes de l'entreprise au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Allemagne, en Scandinavie et au Pakistan s'élevaient à environ 8 M $. Au cours des huit dernières années, l'entreprise a pris de l'ampleur; d'une activité d'appoint marginale de la société AirBoss of America, elle est devenue la filiale la plus importante avec un chiffre d'affaires de plus de 50 M $.

D'où les entreprises tirent-elles leurs idées pour innover?

Le groupe d'experts chargé de l'examen du soutien du gouvernement fédéral à la recherche-développement a mené une enquête auprès d'un échantillon représentatif (selon la taille, la région et le secteur d'activité) de plus de 1 000 entreprises qui font de la R-D au Canada. L'une des questions clés du sondage était : « Quelles sont les sources les plus importantes d'idées novatrices pour votre entreprise? » (Les personnes interrogées pouvaient citer plusieurs sources.) Plus du tiers (37 p. 100) des entreprises mentionnent en premier lieu leurs employés en tant que source la plus importante d'idées novatrices et 22 p. 100 d'entre elles citent les employés au deuxième rang ou à un rang inférieur. Les « clients » sont la deuxième source la plus importante mentionnée (25 p. 100 la nomment en premier lieu). Aucune des autres sources d'idées mentionnées en premier lieu ne l'est par plus de 5 p. 100 des entreprises sondées.

Sources les plus importantes d'idées novatrices

« Quelles sont les sources les plus importantes d'idées novatrices pour votre entreprise? »
[Question ouverte : réponses multiples acceptées]

Sommaire du tableau

Ce tableau décrit les résultats d'une enquête en 2011 auprès des entreprises canadiennes qui font de la R-D et portant sur les sources principales d'idées novatrices. L'enquête a éte effectueé pour le compte du groupe d'experts chargé de l'examen de la R-D par EKOS Research Associates Inc. Plus du tiers (37 p. 100) des enterprises mentionnent en premier lieu leur employés en tant que source la plus importante d'idées novatrices et 22 p. 100 d'entre elles citent les employés au deuxième rang ou à un rang inférieur.

Tableau 1 :
  Au premier rang Aux autres rangs
Employés 37 % 22 %
Clients 25 % 24 %
Internet, recherché générale 5 % 10 %
Autres entreprises 4 % 17 %
Industrie/l'entreprise elle-même, les besoins industriels mis en évidence 3 % 8 %
Études de marché, travail ciblé, concurrence 4 % 12 %
Moi-même, mon travail autodirigé/imposé/ma propre créativité 3 % 2 %
Universités, colleges communautaires, cégeps, collèges polytechniques 2 % 7 %
R-D (en general) 2 % 2 %
Selon les besoins/problèmes soulevés 2 % 3 %
Fournisseurs 1 % 2 %
Publications, revues professionnelles/de l'industrie et articles 1 % 8 %
Ne sait pas/pas de réponse 2 % 0 %

Section 2 : Le contexte mondial pour l'approvisionnement militaire

À l'échelle mondiale, les exigences liées à la défense se trouvent dans une période de transition rapide par rapport au passé immédiat. Cette transition se fait sous l'impulsion des États-Unis, qui représentent environ 50 p. 100 des dépenses militaires mondiales (figure 3).

Dépenses militaires mondiales en 2012

Dépenses militaires mondiales en 2012 – Description de l'image en dessous. Figure 3 (source : Annuaire du Stockholm International Research Institute (SIPRI), 2012)

Description de l'image

Cette figure est un histogramme montrant les 15 pays figurant au haut du palmarès des dépenses militaires, selon l'annuaire du SIPRI de 2012. Les États-Unis sont largement en tête avec des dépenses de 700 milliards de dollars. La Chine arrive en deuxième position avec des dépenses d'un peu moins de 150 milliards de dollars. La Russie, le Royaume-Uni, la France et le Japon suivent avec des montants de plus de 50 milliards. Le Canada est au 14e rang, après l'Australie et avant la Turquie, avec un montant approximatif de 30 milliards de dollars de dépenses.

États-Unis

Les É.-U. sont en train de redéfinir leurs besoins dans le cadre de l'évolution des priorités en matière de défense et des réductions budgétaires imminentes. On s'attend actuellement à ce que les dépenses militaires annuelles des É.-U., formées des budgets du ministère de la Défense et des « Opérations de contingence à l'étranger », diminuent en tombant du pic de près de 700 milliards de dollars en 2010 et 2011 à un montant stable quelque peu supérieur à 500 milliards de dollars d'ici à l'exercice financier de 2014, à mesure que le pays se retirera des conflits importants. Cela représente une réduction potentielle de 30 p. 100 des dépenses militaires annuelles sur une période de trois ansNote de bas de page 1.

Le Canada, en revanche, continue de renouveler l'équipement de ses forces terrestres, marines et aériennes, avec des niveaux soutenus de dépenses qu'on n'avait pas vus depuis 60 ans. Le Canada profite d'une position préférentielle sur le marché des É.-U. dans le cadre d'ententes bilatérales sur le partage de la production liée à la défense qui remontent aux années 1950. De fait, les fournisseurs canadiens du secteur de la défense sont, à quelques exceptions près, considérés comme faisant partie de la base industrielle des É.-U.Note de bas de page 2

La figure 4 à la page 9 illustre la réduction réelle et prévue des dépenses dans les catégories qui constituent le gros du marché des É.-U. pour les entreprises liées à la défense, c'est-à-dire : les activités et la maintenance; l'approvisionnement en équipement; et la R-D, les tests et l'évaluation. Bien que ces éléments ne comprennent pas le coût en personnel, ils forment légèrement plus de 70 p. 100 des dépenses militaires, en incluant le ministère de la Défense et les Opérations de contingence à l'étranger.

L'autorisation budgétaire pour les éléments de la figure 4 a atteint un pic de 512 milliards de dollars pour l'exercice financier de 2011 et le gouvernement des É.-U. prévoit que le montant baissera de 25 p. 100, ce qui représente une contraction de 128 milliards de dollars, d'ici à l'exercice financier de 2014. Si on les mesure en dollars constants (2013), on prévoit qu'entre 2008 et 2014, les dépenses diminueront de 31 p. 100. Ces réductions abruptes ne tiennent pas compte des coupes supplémentaires éventuelles qui pourraient découler des nouvelles mesures de réduction du déficit en 2013.

La baisse rapide aux É.-U. aura probablement des répercussions importantes sur l'industrie canadienne puisque, comme le montre la figure 5 à la page 10, les É.-U. représentent actuellement environ trois quarts des exportations du secteur de la défense du Canada (soit environ le tiers de toute la production canadienne).

Dépenses militaires des É.-U.—E et M; approvisionnement; R-D essais et évaluations

Dépenses militaires des É.-U – Description de l'image en dessous. Figure 4 (source : ministère de la Défense des É.-U.)

Description de l'image

Cette figure est un graphique décrivant la tendance dans les dépenses militaires des États-Unis en F et E, en approvisionnement, en R-D et en essais et évaluations, selon le budget du ministère de la Défense pour l'exercice financier 2013. Les données présentées commencent en 2008 avec environ 500 milliards de dollars et la tendance est à la baisse, pour atteindre un montant d'un peu plus de 375 milliards en 2014. Il y a ensuite une légère reprise, avec un peu moins de 400 milliards en 2015.

Exportations des produits et des services canadiens de défense en 2007 (4,1 milliards de dollars)

Exportations des produits et des services canadiens de défense en 2007 – Description de l'image en dessous. Figure 5 (source : Statistique Canada, 2007)
Remarque : le rapport de KPMG commandé par l'AICDS indique des exportations
totales d'environ 6 milliards de dollars en 2011
.

Description de l'image

Cette figure est un graphique circulaire montrant les résultats d'une enquête de 2007 effectuée par Statistique Canada, qui indique que, sur le montant total de 4,045 milliards des exportations du Canada en produits et services de défense, 76 p. 100 concernent les États-Unis, 11 p. 100 l'Europe. 6 p. 100 divers autres pays, 4 p. 100 le Moyen-Orient et 3 p. 100 la région Asie-Pacifique.

La réduction des dépenses de défense des É.-U. se produit alors que le pays réexamine sa position à long terme en matière de défense. Selon les consultations du groupe d'experts auprès d'intervenants du secteur de la défense des É.-U., on peut anticiper les types suivants de changements structuraux dans les priorités liées à la défense américaine :

Ces changements auront de profondes incidences sur l'environnement concurrentiel sur le marché de la défense aux É.-U. En effet, les fonctionnaires du gouvernement des É.-U. ont informé les membres du groupe d'experts qu'ils étaient en train de se livrer à un réexamen systématique des entreprises américaines qui sont considérées comme étant d'importance cruciale dans la base industrielle d'approvisionnement du secteur de la défense des É.-U., afin d'évaluer les risques pour les futures capacités d'approvisionnement dans le secteur. Les analystes américains indépendants se soucient de plus en plus du fait que

[…] à la lumière de l'austérité budgétaire qui limitera probablement les dépenses de défense des É.-U. dans l'avenir immédiat et de la complexité et des dangers croissants dans l'environnement de sécurité du pays, une stratégie à long terme semble impérative pour préserver les secteurs vitaux de l'industrie de la défense.Note de bas de page 3[traduction] (p. xii)

Les membres du groupe d'experts se sont également informés sur la réaction des sociétés établies aux É.-U. aux tendances indiquées ci-dessus.

Le fait que le ministère de la Défense met moins l'accent sur les nouvelles plates-formes, plus coûteuses, conduit les entreprises à se concentrer sur des capacités plus spécialisées pour les plates-formes existantes, faisant ainsi concurrence plus directement aux entreprises canadiennes dans les créneaux du marché des É.-U. où ces dernières ont des capacités existantes ou éventuelles. Les entrepreneurs principaux réagissent également aux réductions prévues des dépenses en procédant à une intégration verticale de leurs activités de défense (c'est-à-dire en faisant l'acquisition de plus petites entreprises dans leurs chaînes d'approvisionnement) et en se diversifiant de manière horizontale dans des domaines commerciaux connexes, en particulier les TI, la logistique et la maintenance—qui sont tous des domaines où les Canadiens sont des experts.

Ces changements, accompagnés de pressions inévitables sur le congrès américain en vue de faire adopter de nouvelles mesures protectionnistes, présagent un environnement concurrentiel beaucoup plus difficile sur le marché des É.-U. pour les entreprises basées au Canada. On s'attend également à ce que les changements mènent à une augmentation de la concurrence des entreprises basées aux É.-U. qui sont en difficulté sur le plan financier sur le marché canadien de la défense, qui est, par rapport à celui des É.-U., relativement sain et ouvert. Ces effets se combineront pour peser lourd sur les industries liées à la défense du Canada.

D'un autre côté, les débouchés relativement attrayants sur le marché canadien donneront au gouvernement du Canada un pouvoir de négociation important avec les soumissionnaires étrangers en vue de négocier des contrats qui comprennent un renforcement des retombées stratégiques pour les fournisseurs canadiens. De plus, le renforcement des capacités d'approvisionnement canadiennes dans les secteurs complémentaires pour les capacités des É.-U., comme la surveillance de l'Arctique, la surveillance maritime et l'interopérabilité, contribuera à renforcer la base industrielle globale de l'Amérique du Nord, ce qui constitue un avantage dont ont conscience les fonctionnaires du gouvernement des É.-U.

Marchés alliés et émergents

Le premier ministre Stephen Harper et le premier ministre indien Manmohan Singh. Le premier ministre Stephen Harper et le premier ministre indien
Manmohan Singh (photo du gouvernement du Canada)

Les alliés de l'OTAN en Europe sont également confrontés à une évolution des priorités et à des contraintes budgétaires et on prévoit que les dépenses militaires vont globalement baisser de près de 5 p. 100 entre 2009 et 2016. Cela a pour résultat que les industries intérieures renforcent les pressions en vue de protéger davantage l'accès déjà limité au marché de la défense de leur pays. Ceci présente un autre défi commercial pour les industries liées à la défense du Canada, car l'Europe représente environ 11 p. 100 de nos exportations dans le secteur (revoir la figure 5 à la page 10), avec le Royaume-Uni (R.-U.) qui représente à lui seul environ 40 p. 100 de cette part. Bien que l'accès du Canada au marché de la défense du R.-U. soit relativement sans entraves, d'autres partenaires de l'OTAN, notamment la France, l'Allemagne et l'Italie, ont d'importantes restrictions pour l'accès à l'importation.

Les plus grands marchés des 13 p. 100 restant des exportations militaires canadiennes à l'heure actuelle sont l'Australie et la Nouvelle-Zélande, mais les marchés qui augmentent le plus rapidement sont le Moyen-Orient, l'Asie du Sud et de l'Est et l'Amérique du Sud. À titre d'exemple, le très grand marché indien de la défense, particulièrement en raison de la taille de son armée permanente, est censé croître de 5 à 10 p. 100 par an en dollars constants au cours des quinze prochaines années. Cela représente des débouchés potentiels importants dans des domaines où les fournisseurs canadiens du secteur de la défense ont des capacités éprouvées (voir l'encadré ci-contre).

Marché canadien

Attribution des dépenses liées à la Stratégie de défense Le Canada d'abord 2008/2009 - 2027/2028

Attribution des dépenses liées à la SDCD – Description de l'image en dessous. Figure 6 (source : Ministère de la Défense nationale, novembre 2012)

Description de l'image

Cette figure comprend trois graphiques circulaires. Le premier montre la répartition des dépenses de la SDCD entre 2008/2009 et 2027/2028 : 51 p. 100 pour le personnel, 29 p. 100 pour la disponibilité opérationnelle, 12 p. 100 pour l'équipement et 8 p. 100 pour l'infrastructure. Le deuxième montre que, dans ces 12 p. 100 pour l'équipement du premier graphique, 20 p. 100 ont été attribués et 80 p. 100 restent à attribuer. Le troisième graphique montre que, dans les 29 p. 100 pour la disponibilité opérationnelle, 17 p. 100 ont été attribués et 83 p. 100 restent à attribuer.

Tandis que les É.-U. et les marchés alliés sont confrontés à des réductions à long terme, les exigences canadiennes sont en plein essor à mesure que le gouvernement poursuit son réapprovisionnement, à hauteur de 240 milliards de dollars, des trois branches des Forces canadiennes. Sur ce montant total, le principal facteur dans les dépenses relevant de la « disponibilité opérationnelle » (pièces de rechange, maintenance, réparation et formation) est la somme de 60 milliards de dollars attribuée à l'« équipement », qui comprend les flottes principales et la catégorie « autre capital ».

Conformément aux estimations des dépenses de la SDCD, d'ici à la fin de l'exercice financier 2012/2013, ce sont environ 12 milliards de dollars, soit 20 p. 100 de ce total de 60 milliards de dollars, qui auront été attribués. Il reste donc 48 milliards de dollars de dépenses prévues d'ici à 2027/2028 (figure 6). D'après ce qu'ont compris les membres du groupe d'experts, il est prévu qu'une bonne partie du montant restant sera attribué au cours des trois prochaines années. Cela semble indiquer que la période dont on peut profiter pour exploiter au maximum l'approvisionnement dans le secteur de la défense va bientôt arriver à son terme. On s'attend à ce que les possibilités pendant cette période comprennent les projets de remplacement suivants pour les flottes principales :

Il est urgent d'exploiter l'énorme potentiel de l'approvisionnement militaire puisqu'on prévoit qu'après 2015, il ne restera que deux éléments importants du plan de SDCD à exécuter :

Le pilier de l'investissement dans la disponibilité opérationnelle de 140 milliards de dollars de la SDCD s'élève à environ deux fois et demie la valeur en dollars du pilier de l'équipement. Sur ce total, on a déjà environ attribué 24 milliards, ce qui laisse 116 milliards de dollars pour le reste de la période d'application de la SDCD, c'est-à-dire jusqu'à 2027/2028.

Les activités de réparation et de maintenance, qui sont souvent entreprises dans le cadre d'un contrat dit de « soutien en service » (SES), sont réparties sur l'intégralité de la période d'application de l'acquisition et peuvent atteindre jusqu'à quatre ou cinq fois le coût initial de l'acquisition de l'équipement sur une période de 30 ans ou plus. Le SES comprend des choses qui vont de tâches relativement routinières à un travail très sophistiqué et de grande valeur qui dépend des éléments de propriété intellectuelle (PI) dont l'entrepreneur principal est le propriétaire. L'accès des entreprises canadiennes aux segments supérieurs du marché du SES dépend beaucoup, par conséquent, des modalités contractuelles établies au départ pour chaque acquisition importante, parce que ce sont ces modalités qui déterminent si les fournisseurs canadiens de SES auront accès aux éléments de PI requis et à quelles conditions.

À cet égard, certains représentants de l'industrie ont indiqué aux membres du groupe d'experts que, par le passé, le gouvernement achetait les ensembles de données relevant de la PI auprès d'entrepreneurs principaux et mettait en compétition les contrats de SES, souvent à l'avantage des fournisseurs canadiens et à un coût global plus faible pour les contribuables. Cependant, depuis 2008, le SES et d'autres éléments, comme la formation opérationnelle, ont été intégrés dans l'acquisition de l'équipement, dans le but de réaliser ce qu'on appelle un « point unique de responsabilisation » (PUR). La justification apparente de cette approche est qu'on veut atténuer le risque lié à l'exécution du contrat. Cette décision a eu pour conséquence non intentionnelle d'empêcher des entreprises canadiennes de faire des soumissions pour le SES ou d'autres travaux. Cet obstacle va probablement devenir encore plus important compte tenu du fait que les entrepreneurs principaux ont tendance à anticiper et à garder le travail à l'interne lorsque l'environnement concurrentiel est plus difficile. À titre d'exemple récent, durant la Journée internationale de l'industrie des aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe la plus récente (en octobre 2012), le gouvernement a confirmé qu'une solution canadienne pour le SES ferait partie de la stratégie d'approvisionnement connexe.

Le Canada a depuis longtemps pour politique d'exiger que les soumissionnaires retenus pour les contrats importants de la défense dépensent l'équivalent de la valeur en dollars des contrats, qui sont souvent attribués à des entreprises étrangères, au Canada et en appui à l'industrie canadienne. Dans la Politique des retombées industrielles et régionales (RIR) du gouvernement, qu'on évoque souvent de façon générique à l'aide du terme de « politique de contreparties », on stipule que les RIR peuvent émaner directement de contrats de sous-traitance pour les acquisitions elles-mêmes ou indirectement de contrats non liés à la sous-traitance. La Politique des RIR a été mise à jour en 2010 afin de fournir de meilleures mesures d'incitation pour les entrepreneurs principaux en vue de renforcer la position des entreprises canadiennes dans la chaîne de valeur.

Il est impossible de prévoir le calendrier exact de la croissance de la valeur cumulée des obligations relatives aux RIR à mesure que les acquisitions de la SDCD seront mises en œuvre. Les membres du groupe d'experts estiment que la croissance annuelle va s'accélérer, pour déboucher au total sur de nouvelles obligations en matière de RIR d'une valeur approximative de 58 milliards de dollars sur la période 2012 – 2027 (voir figure 7a à la page 17). Il est probable que le montant total des obligations en matière de RIR, y compris le montant approximatif de 23 milliards de dollars déjà accumulé en 2011 et les montants supplémentaires prévus d'ici à 2027, dépassera 80 milliards. Pour donner une idée de ce chiffre exceptionnellement élevé, il est supérieur aux réserves actuelles de la Banque du Canada, qui sont de 67 milliards. Dans le contexte d'une stratégie d'approvisionnement de la défense, les RIR seront largement plus importantes que le total combiné de tous les autres programmes de soutien à l'industrie du gouvernement fédéral (figure 7b à la page 17).

À vrai dire, le total des dépenses militaires sur 20 ans dans le cadre de la SDCD (soit 490 milliards de dollars, en incluant le personnel) se situe à une échelle plus grande que l'investissement prévu dans les sables bitumineux au cours d'une période comparable.

Puisque la réalisation des obligations relatives aux RIR nécessite la participation d'un grand nombre d'organisations différentes, le rythme de réalisation est difficile à prévoir de manière précise. Il a été en moyenne d'environ 1,5 milliard de dollars par année au cours de la période allant de 2007 à 2011. À mesure que les obligations pour les RIR liées à la SDCD s'accumuleront, on peut s'attendre à ce que le taux de réalisation augmente et atteigne une moyenne d'environ 2 milliards de dollars par année jusqu'en 2027, ou soit même plus élevé, selon la capacité d'absorption de l'industrie canadienne. La réalisation annuelle de ces obligations pour les RIR, si elle est bien ciblée, représente une énorme occasion de favoriser l'innovation et la compétitivité du secteur de la défense à l'échelle mondiale dans le pays (voir l'encadré sur le Boeing CC-177 Globemaster III à la page 15).

Weatherhaven sur les marchés émergents

Weatherhaven est une entreprise trentenaire de fabrication d'abris qui fournit des solutions de camps temporaires redéployables (CTR) aux Forces canadiennes depuis 1989.

À partir de son savoir-faire initial dans les camps miniers dans l'Arctique, Weatherhaven a été en mesure d'élaborer des solutions uniques de camps à base de conteneurs en partenariat avec le MDN. Ces solutions, utilisées pour toutes sortes de choses, des hôpitaux de campagne aux centres de commandement, ont été déployées lors de toutes les missions de maintien de la paix canadiennes (p. ex., au Kosovo) et de secours aux sinistrés (en Haïti) depuis.

Les Forces canadiennes ont une excellente réputation dans les autres armées pour leurs solutions innovatrices et pratiques. Ces missions à l'étranger sont devenues de véritables « démonstrations » pour les solutions uniques de Weatherhaven, permettant à l'entreprise d'introduire ses produits et d'attirer des clients sur plusieurs marchés émergents (tels que le Brésil, le Pérou, la Turquie, la Malaisie et l'Afrique du Sud).

Ces marchés émergents offrent d'énormes possibilités pour les produits militaires canadiens. Avec l'augmentation de la demande de contributions à la paix et à la sécurité dans le monde et le fait que ces pays ont une industrie intérieure de la défense de petite taille, ces marchés sont des cibles d'exportation idéales pour les solutions canadiennes.

Par exemple, Weatherhaven a été en mesure de vendre environ 200 exemplaires de son produit phare et breveté, c'est-à-dire son conteneur mobile extensible (MECC), aux Forces canadiennes au cours des 15 dernières années. Durant la même période, l'entreprise a été en mesure de vendre plus de 2 500 de ses produits développés au Canada à plus de 20 clients militaires dans le monde. Il s'agit là d'un exemple concret du potentiel d'exploitation de l'approvisionnement militaire, de l'innovation et du développement des exportations sur les marchés émergents.

Principales caractéristiques d'une politique des Retombées industrielles et régionales (politique de « contreparties »)

Échelle d'impact économique

Investissements prévus par industrie dans les sables bitumineux de l'Alberta sur plus de 25 ans :

Investissements prévus par le gouvernement canadien dans la défense sur 20 ans :

Sources : Conference Board du Canada, Fuel for Thought: The Economic Benefit of Oil Sands Investment for Canada's Regions et Stratégie de défense Le Canada d'abord

Prévisions sur les obligations en matière de Retombées industrielles et régionales (2012-2027) Note de bas de page *

Figure 7a – Prévisions sur les obligations en matière de RIR (2012-2027 – Description de l'image en dessous.) Figure 7a (prévisions du groupe d'experts; voir les hypothèses de prévision à l'annexe 3)

Description de l'image

Cette figure est un graphique décrivant la croissance du montant total des obligations en matière de retombées industrielles régionales (RIR) entre 2011 (23 milliards de dollars) et le montant prévu de 49 milliards de dollars en 2027, avec une augmentation de 58 milliards de nouvelles RIR pendant la période 2012 – 2027, compensée par un montant de 32 milliards de dollars de RIR réalisées au cours de la même période.

Total des dépenses directes pour des programmes choisis de recherche-développement c. réalisations de la politique des Retombées industrielles et régionales (2010/2011)

Figure 7b – Examen du soutien fédéral de la recherche-développement – Description de l'image en dessous. Figure 7b (sources : Examen du soutien fédéral de la recherche-développement -
Rapport final du groupe d'experts et Industrie Canada)

Description de l'image

Ce graphique montre le montant total des dépenses directes en recherche-développement pour l'exercice financier 2010/2011 pour le Programme d'aide à la recherche industrielle du Centre national de recherches Canada, soit plus de 200 millions de dollars, le montant pour l'Initiative stratégique pour l'aérospatiale et la défense (ISAD) d'Industrie Canada, soit plus de 100 millions de dollars, et le Programme de démonstration de technologies de Recherche et développement pour la défense Canada, soit moins de 50 milliards, à comparer au montant produit par la politique des RIR, qui est de 1,8 milliard de dollars.

L'importance de la politique des RIR et le niveau actuel et prévu des obligations en matière de RIR semblent indiquer qu'il faudrait que cette politique soit administrée avec une orientation prédéterminée et des ressources suffisantes. Il est possible d'en faire plus à cet égard. En ce qui a trait à l'administration—entre autres la collecte de données et la capacité d'analyse nécessaire à la maximisation du ciblage et, par conséquent, des bienfaits de la politique des RIR—il faut lui accorder les ressources nécessaires pour réaliser ces possibilités nettement plus vastes.

Pour récapituler, si l'on se tourne vers l'avenir, le marché potentiel pour les industries canadiennes liées à la défense visées par la SDCD représente, selon les prévisions, des dépenses de 164 milliards de dollars : 48 milliards de dollars pour le matériel et 116 milliards de dollars pour la disponibilité opérationnelle. S'il est certain que ce sont probablement de grands entrepreneurs principaux étrangers qui prévaudront pour les grands achats d'équipement, il existe un immense marché auxiliaire sous la forme de RIR qui est, de par sa nature, limité aux entreprises basées au Canada. Les entreprises que le groupe d'experts a consultées privilégient nettement les contrats directs, plutôt que le lot de consolation que sont les RIR. De toute évidence, cela s'explique par le fait que les contrats directs ont tendance à être qualitativement supérieurs, parce qu'ils portent sur des produits de dernière génération qui reposent sur des technologies de pointe et pour lesquels on emploie une main-d'œuvre hautement spécialisée. On les préfère nettement aux RIR habituelles qui, bien qu'elles aient peut-être une valeur monétaire équivalente, sont totalement tributaires de la bonne volonté des entrepreneurs principaux et se limitent souvent à des opérations de fabrication à partir d'instructions détaillées, de valeur plus faible et non récurrentes. Les RIR sont néanmoins susceptibles d'avoir un impact important, à la condition qu'elles soient conçues et mises en œuvre de manière à donner aux entreprises canadiennes un plus grand accès à des débouchés dans les segments supérieurs de la chaîne de valeur que l'accès dont elles disposent à l'heure actuelle.

Bien que les acquisitions de matériel de défense soient en plein essor à la suite de la mise en œuvre de la SDCD et qu'elles représentent un atout pour l'industrie canadienne, le marché de la défense au Canada est l'un des plus ouverts par rapport aux autres pays dont les secteurs liés à la défense sont importants. Le Canada est donc un marché attrayant pour les concurrents étrangers confrontés à la perspective d'une baisse des ventes sur leur propre marché national. Par conséquent, les résultats d'autrefois ne se répéteront pas nécessairement à l'avenir.

Malheureusement, on manque de données sur la répartition respective des parts de marché entre les fournisseurs canadiens et les fournisseurs étrangers. En 2011, la firme de consultants KPMG a réalisé une étude pour le compte de l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité (AICDS)Note de bas de page 4 sur la contribution des industries liées à la défense à l'essor de l'économie canadienne. Cette étude indique que le marché intérieur pour les dépenses en immobilisations, en opérations et en maintenance était estimé à 8 milliards de dollars en 2011 et que l'industrie canadienne y participait à hauteur de 75 p. 100, ce qui équivaut à des recettes de 6 milliards de dollars. La part du Canada correspond aux ventes totales et non à la valeur ajoutée apportée par des entreprises canadiennes. La valeur ajoutée est un indicateur plus approprié de l'impact sur l'économie intérieure que la part des ventes. Par conséquent, sans connaître la source et le coût des contributions associés à l'activité économique au Canada, le groupe d'experts n'est pas en mesure de déterminer les réelles incidences économiques des constats de KPMG. De plus, les constats concernent uniquement l'année 2011, durant laquelle la majorité des dépenses a été consacrée à des services et des travaux d'infrastructure, secteur où les entreprises nationales prédominent, et non à des biens d'équipement, domaine où ce sont les fournisseurs étrangers qui tendent à prévaloir.

L'analyse des données sur les dépenses du MDN semble indiquer que la part de l'industrie canadienne sur le marché du MDN entre 2009 et 2012 était en moyenne les deux tiers. Cependant, ce niveau peut être beaucoup moins élevé au cours d'une année particulière en raison de la répartition au fil du temps du coût des grandes acquisitions. Compte tenu de ces variations, il est nécessaire de disposer de mesures plus précises pour cet indicateur et les autres indicateurs pertinents sur les résultats de l'industrie pour établir une base de référence qui permettrait d'évaluer les répercussions d'éventuelles modifications des politiques et des programmes.

Boeing CC-177 Globemaster III – Retombées industrielles et régionales

Boeing CC-177 Globemaster de l'Aviation royale canadienne. Boeing CC-177 Globemaster de l'Aviation royale canadienne
(photo : ministère de la Défense nationale)

Dans le cadre de ses engagements pour les RIR liés au Projet de transport aérien stratégique, Boeing assure le financement sur une période de cinq ans d'un projet conjoint de l'Université de la Colombie-Britannique (UBC) et de l'Université Simon Fraser (SFU) visant à évaluer et à améliorer les processus analytiques visuels qui servent à interpréter des données complexes. Le but du projet est de mettre au point de nouveaux processus pour utiliser des modèles analytiques visuels en 2D et 3D et des données statistiques pour améliorer la maintenabilité et la fiabilité des nouveaux produits de l'aérospatiale.

L'investissement aidera le consortium universitaire à devenir un chef de file en analyses visuelles appliquées. Le projet comprend l'élaboration d'un programme d'analyses visuelles appliquées. Les résultats du projet seront publiés, présentés et échangés lors d'ateliers. Outre la contribution financière de Boeing, les universités bénéficieront de l'expertise d'ingénieurs de Boeing et de possibilités de stages internes. La relation entre Boeing, l'UBC et la SFU s'avère fructueuse et donne lieu à d'importants travaux de recherche, à des publications et à des possibilités de stages.

En deux mots :

Section 3 : Capacités industrielles de la défense canadienne

Les industries liées à la défense au Canada représentent plus de deux mille sociétés, plus de 70 000 employés et des recettes annuelles qu'on estimait à 12,6 milliards de dollars en 2011 et qui sont réparties presque également entre ventes sur le marché intérieur et ventes à l'exportation. Bon nombre de ces sociétés exercent principalement une activité commerciale, avec une certaine capacité militaire.

Selon le rapport de KPMG mentionné plus haut, les principaux secteurs d'activité liés à la défense sont les suivants :

Structurellement parlant, les industries liées à la défense établies au Canada exercent généralement leurs activités à différents « paliers » dans les chaînes de valeur mondiales (CVM) des grands entrepreneurs principaux et des fournisseurs de palier 1, généralement basés aux Etats-Unis (souvent des fabricants du matériel d'origine). L'intégration à l'industrie américaine est d'autant plus renforcée qu'il existe de longue date des ententes bilatérales sur le partage de la production de matériel de défense. Bien que cette liaison particulière facilite l'accès aux marchés américains de la défense, elle complique les stratégies commerciales des entreprises canadiennes qui doivent tenir compte de l'ITAR (International Traffic in Arms Regulations). (Voir l'encadré « International Traffic in Arms Regulations » à la page 21). Ce règlement vise à contrôler le commerce des biens et des services et les données techniques confidentielles qui font intervenir certaines technologies à usage militaire « sensibles ». Cela signifie qu'un produit de défense ou un produit commercial qui fait appel à une technologie assujettie à l'ITAR ne peut être vendu à certains pays.

Ce que signifie cette politique, c'est que les entreprises qui exercent des activités dans le domaine des applications technologiques pouvant servir à des fins à la fois militaires et civiles (p. ex., dans l'aérospatiale) doivent établir des mécanismes très sophistiqués de cloisonnement des informations—de fait, des stratégies ITAR et non ITAR séparées—pour s'assurer de la conformité de leurs ventes à des pays tiers, ce qui est un véritable défi, notamment pour les PME. Lorsque le groupe d'experts a consulté l'industrie canadienne à ce sujet, la plupart des entreprises ont indiqué qu'il était essentiel pour leur réussite à long terme de s'assurer qu'un secteur de leurs activités était conforme à l'ITAR, étant donné que le marché mondial comprend lui-même à la fois un secteur assujetti à l'ITAR et un secteur non assujetti à l'ITAR.

International Traffic in Arms Regulations

L'ITAR (règlement sur le trafic international des armes) est un ensemble de règlements du gouvernement américain qui régissent l'exportation et l'importation de biens et de services liés à la défense figurant sur une liste de contrôle. Cette liste se veut un instrument permettant d'assurer la sécurité nationale aux États-Unis et de poursuivre d'autres objectifs en matière de politique étrangère. Les éléments de la liste de contrôle ne peuvent être communiqués qu'à des personnes et des organisations américaines, y compris leurs filiales non américaines, sauf si le Ministère d'État accorde une dérogation. Le Canada jouit d'une dérogation en vertu de l'ITAR, mais doit se conformer aux mêmes exigences, dont la nécessité d'obtenir préalablement l'autorisation de communiquer des éléments de la liste à d'autres pays. De fortes amendes sont imposées si l'on contrevient au règlement. L'ITAR est particulièrement problématique dans le cas des technologies à usage double, car une seule petite composante assujettie aux restrictions de l'ITAR assujettit également au règlement tout produit qui renferme cette composante. De plus, les restrictions de l'ITAR ont augmenté par effet cumulatif, puisque peu de composantes ont été retirées de la liste même si leur inscription ne se justifie plus.

Les consultations du groupe d'experts auprès de l'industrie ont par ailleurs révélé que la bonne administration de la propriété intellectuelle (PI) est régulièrement une source importante de tensions entre les entrepreneurs principaux et les fournisseurs dans leurs chaînes de valeur mondiales. Les entrepreneurs principaux privilégient souvent le maintien d'un contrôle interne sur la PI plutôt que les permis d'utilisation de la PI avec versement de droits, que ce soit en relation avec des sous-traitances découlant d'achats et de procédures d'approvisionnement (p. ex., le SES), ou indirectement par l'intermédiaire des RIR associées à ces processus. Par ailleurs, les entrepreneurs principaux se servent de la domination qu'ils exercent sur les marchés pour appliquer des tarifs élevés pour le transfert de technologies. Les changements structurels qu'expérimentent les entrepreneurs principaux afin de faire face à l'affaiblissement de la demande sur le marché américain et sur les marchés des pays membres de l'OTAN ne feront qu'exacerber ce problème dans le cas des entreprises canadiennes. Bien que les entreprises canadiennes innovatrices mettent souvent au point leurs propres éléments de PI, la taille et la portée du secteur de la défense au Canada font en sorte que la plupart des entreprises dépendent jusqu'à un certain point de l'obtention de permis d'utilisation d'éléments de PI développés à l'étranger.

Compte tenu de ce qui précède, le groupe d'experts conclut que, bien que les industries canadiennes liées à la défense disposent de capacités de calibre international dans certains domaines et aient une présence solide sur certains marchés à l'exportation, on pourrait nettement améliorer les débouchés sur le marché intérieur, ce qui mènerait à une augmentation des investissements et une industrie canadienne plus concurrentielle à l'échelle mondiale (voir l'encadré « Perspectives de l'industrie » ci-dessous).

Si on se tourne vers l'avenir, on constate que deux grandes forces sont en jeu. La première est la menace de la concurrence menée par certains pays étrangers alors que les gouvernements des pays alliés réduisent leurs dépenses dans le domaine de la défense. La deuxième est que, si la prévision générale du groupe d'experts de presque 60 milliards de dollars en nouvelles obligations relatives aux RIR se matérialise d'ici 2027, la capacité d'absorption de l'industrie canadienne sera probablement mise à l'épreuve.

L'application actuelle des politiques gouvernementales ne tient pas compte de la vulnérabilité des industries canadiennes liées à la défense face aux tendances émergentes. Le soutien du gouvernement canadien à ces industries a été, jusqu'à présent, principalement axé sur l'offre (par exemple, le soutien à la R-D et au transfert de technologies). En fait, pendant de nombreuses années, les politiques canadiennes ne se caractérisaient pas par un soutien axé sur la demande, en dehors de deux secteurs spéciaux, la construction navale et les munitions (voir l'encadré « Programme d'approvisionnement en munitions » à la page 24) et par l'intermédiaire des RIR, bien que, dans ce cas, l'absence de finalité stratégique et de cibles ait entravé leur impact. L'exemple le plus notoire d'une nouvelle approche est la décision, dans le cadre de la SNACN, de se procurer des navires au Canada en se fondant sur la nécessité de maintenir une capacité nationale sur toute la période d'application des acquisitions, avec la maintenance, la réparation et la révision de la flotte.

Le soutien du gouvernement par la stimulation de l'offre comprend des programmes à caractère général, comme le programme « Recherche scientifique et développement expérimental » (RS&DE), des programmes ciblés de R-D dirigés par Recherche et développement pour la défense Canada (RDDC), l'Initiative stratégique pour l'aérospatiale et la défense (ISAD), un soutien à la commercialisation par l'intermédiaire des organismes de développement régional (ODR), principalement lié aux possibilités de RIR, et la stratégie du MAECI intitulée « Stratégie mondiale axée sur le commerce d'intégration : défense et sécurité », qui vise cinq sous-secteurs prioritaires : les véhicules blindés, les aéronefs conçus pour des missions spéciales, l'intégration des systèmes électroniques et C4ISR, la simulation et la sécurité.

Au cours de ses consultations, le groupe d'experts a constaté que le soutien à ces divers programmes axés sur l'offre n'est pas coordonné et que chaque programme s'appuie sur une nomenclature et des données différentes et cible des capacités et des technologies particulières, selon le bon jugement des diverses entités responsables. En outre, le groupe d'experts s'est vu rapporter des cas où des fournisseurs canadiens avaient été exclus d'un processus d'appel d'offres parce qu'ils jouissaient de ce qui était considéré comme un avantage concurrentiel « inéquitable » obtenu à la suite d'une aide au développement technologique accordée par le gouvernement fédéral.

Même si l'on adopte une approche « pangouvernementale » rationalisée et plus efficace, il faudrait considérer les politiques et les programmes axés sur la stimulation de l'offre comme complétant la priorité accordée aux politiques visant à favoriser la demande au moyen d'un cadre d'approvisionnement dans le domaine de la défense qui encourage le développement de la capacité d'approvisionnement des entreprises canadiennes dans des domaines où l'intérêt à long terme du Canada est en jeu.

Perspectives de l'industrie

Le groupe d'experts a consulté des représentants de plus de 60 sociétés œuvrant dans le domaine de la défense. Voici les points de vue sur lesquels il y a consensus :

Programme d'approvisionnement en munitions

Contexte

Au début des années 1970, le gouvernement du Canada a constaté qu'il fallait améliorer et moderniser les capacités de production de munitions au Canada. En 1974, une décision du Cabinet a donné lieu à la création d'un « programme pour le maintien au Canada d'une capacité industrielle de production de munitions », le Programme d'approvisionnement en munitions (PAM). Ce programme avait pour objectif de maintenir au Canada une capacité industrielle stratégique de fabrication de munitions pour satisfaire aux besoins actuels et à venir des Forces canadiennes.

Chargement de munitions de 20 mm dans un système d'arme de combat rapproché (CIWS) de la Marine royale canadienne. Chargement de munitions de 20 mm dans
un système d'arme de combat rapproché (CIWS) de la
Marine royale canadienne (source : ministère de la
Défense nationale)

Le PAM était soutenu par un « programme pour le maintien au Canada d'une capacité industrielle de production d'armes légères », approuvé par le gouvernement du Canada en 1976, et par un « programme pour le maintien au Canada d'une capacité industrielle de production de munitions », approuvé en 1978. Le gouvernement du Canada est toujours déterminé à conserver le Programme d'approvisionnement en munitions, dont les objectifs sont de développer, d'établir et de maintenir des sources d'approvisionnement dans le secteur privé situées et exploitées au Canada (et, dans la mesure du possible, à propriétaire canadien) pour l'approvisionnement en munitions de grande consommation, en produits connexes et en stocks associés.

Participants

Avantages

Section 4 : Justification du recours à des capacités industrielles clés

La clé de la réussite des entreprises canadiennes dans la plupart des secteurs d'activités industrielles a consisté à participer à la chaîne de valeur mondiale en qualité d'acteurs spécialisés dans des créneaux où la valeur ajoutée est élevée, avec l'aide de régimes favorables à la libéralisation des échanges commerciaux et des investissements. L'industrie canadienne a également appliqué cette stratégie dans le domaine de la défense, quoiqu'avec un succès plus mitigé, du fait que, sur les marchés de la défense à travers le monde, les États sont les principaux clients et peuvent invoquer des exemptions dans les accords internationaux sur le commerce pour des motifs de sécurité nationale afin de restreindre l'accès des entreprises étrangères à leur marché. Le commerce lié à la défense est donc un commerce véritablement « encadré ». Pourtant, on suppose souvent que le secteur de la défense est régi par les principes de l'économie de marché. Ce point de vue est largement critiqué par les économistes qui ont étudié l'industrie aux É.-U. Par exemple, Merton Peck et Frederic Scherer, auteurs de The Weapons Acquisition Process, constatent que « […]l'acquisition des armes est caractérisée par une forme d'organisation économique plutôt différente du système de marchés qu'on retrouve dans le reste de l'économie des É.-U. » [traduction] (p. 582).

De nombreuses entreprises, particulièrement celles qui ont des produits spécialisés et innovateurs, se lancent avec un seul client ou un petit nombre de clients initiaux qui ont des besoins particuliers correspondant à leur produit. En travaillant avec ses premiers clients, le fournisseur fait un véritable apprentissage en commercialisation et adapte le produit aux exigences du monde réel tout en cherchant à le produire de façon plus rentable. Dans le cas des produits du secteur de la défense, le client est presque toujours un gouvernement et, tant qu'un nouveau produit n'a pas fait ses preuves, il est peu probable qu'il puisse être mis en marché à l'extérieur du pays d'origine. Comme cela a été souligné auparavant à la section 1, ceci explique pourquoi tant d'entreprises canadiennes du secteur de la défense qui ont connu la réussite disent aujourd'hui que ce sont un ou plusieurs contrats fédéraux qui ont servi de catalyseurs essentiels pour leur croissance subséquente (voir l'encadré « Réussites canadiennes dans l'industrie de la défense » à la page 4). Dans la production de biens pour la défense, le marché est le gouvernement et, par conséquent, celui-ci ne peut pas éviter de jouer un rôle direct dans les résultats pour l'industrie. L'idéal d'une « économie de marché » ne s'applique pas ici. En fait, le groupe d'experts n'a découvert aucune preuve de l'existence d'une entreprise canadienne d'envergure dans le secteur de la défense qui soit véritablement « autonome ». Les nombreuses réussites antérieures dans l'industrie de la défense et de la sécurité du Canada montrent clairement la valeur d'une stratégie d'approvisionnement proactive qui soutient l'industrie et le rendement économique exceptionnel à long terme qui peut en découler lorsque les investissements du gouvernement sont bien ciblés.

Même dans ces domaines de spécialisation de la capacité canadienne, le gouvernement fédéral insiste généralement sur l'ouverture des marchés, et ce, en utilisant une interprétation stricte du rapport qualité-prix qui s'avère signifier qu'on choisit la solution la moins chère qui réponde aux critères. Par conséquent, à la différence de la plupart des autres pays comparables, le Canada n'a profité que de peu d'effets multiplicateurs, à part les RIR et, plus récemment, les « propositions de valeur » de la SNACN, pour renforcer les capacités de défense des entreprises établies au Canada par ses pratiques d'approvisionnement.

Les arguments en faveur de l'élaboration d'une véritable stratégie pour exploiter l'approvisionnement militaire vont bien au-delà de l'évidence des débouchés présentés par la hausse rapide des dépenses de défense associée à la SDCD et de la flexibilité dont dispose le gouvernement du Canada en vertu des accords commerciaux internationaux pour déterminer la meilleure façon de réaliser ses acquisitions dans le secteur de la défense. Même en l'absence d'une augmentation importante des dépenses militaires, la nation a tout intérêt à constituer une base industrielle intérieure solide dans le domaine de la défense, qui soit de beaucoup supérieure à la capacité de base de maintenance et de réparation et qui s'étende à la production des principaux produits et services dans une situation de véritable souveraineté. Cela sera particulièrement vrai dans des domaines où le Canada a des exigences particulières, qui peuvent ne pas être respectées convenablement par des entrepreneurs étrangers pour ce qui est de la rapidité ou de la sécurité de l'approvisionnement. C'est cette dernière raison qui justifie la politique de longue date qui privilégie l'achat de munitions à des fournisseurs canadiens et qui sous-tend également la SNACN.

Au-delà de cette justification axée sur la souveraineté, les industries liées à la défense sont une source importante de dynamisme et d'innovation sur le plan technologique, elles sont des acteurs à la fine pointe dans les chaînes de valeur mondiales et elles sont à l'origine de produits d'exportation de grande valeur et d'emplois bien rémunérés. En conséquence, les industries liées à la défense du Canada devraient être reconnues et soutenues de façon appropriée pour leur potentiel important en tant que moteurs de la croissance et de la prospérité à long terme du pays.

L'étude de KPMG mentionnée plus haut constate, à l'aide du modèle entrées-sorties de l'économie utilisé par Statistique Canada, que chaque dollar de valeur ajoutée par l'industrie canadienne de la défense et de la sécurité produit, directement et indirectement, 1,62 $ dans le PIB, ce qui a représenté un total de 9,0 milliards de dollars en 2011. Le groupe d'experts pense qu'il s'agit d'une estimation raisonnable de l'effet « multiplicateur » du PIB que produit l'industrie de la défense au Canada. Avec une méthodologie semblable, on obtient un effet multiplicateur de l'emploi direct de 1,54, ce qui sous-entend que le secteur de la défense et de la sécurité du Canada a produit, directement et indirectement, un peu moins de 110 000 emplois (en équivalents temps plein) en 2011.

Le gouvernement a une influence exceptionnelle, du fait que l'approvisionnement attire la demande, pour favoriser le développement des industries liées à la défense. Ceci s'explique par le fait qu'une approche axée sur l'attraction de la demande offre des avantages supérieurs à moindre coût pour le trésor public à ceux offerts par les politiques et programmes conventionnels axés sur la stimulation de l'offre. Cette approche permet à l'industrie canadienne d'atteindre un niveau initial de compétitivité, parce qu'elle lui donne l'occasion

La SDCD a ouvert la voie à l'« établissement de nouveaux rapports » avec l'industrie canadienne de la défense. On y lit ce qui suit :

Le gouvernement prendra des mesures précises pour améliorer ses interactions avec l'industrie. Par exemple, il poursuivra l'amélioration de son mode d'acquisition des nouveaux équipements de façon à se montrer plus transparent et à engager l'industrie plus tôt dans le processus. Ces réformes d'approvisionnement en cours permettront de simplifier le processus d'acquisition et de s'assurer qu'il demeure ouvert et juste.

Bien que les membres du groupe d'experts comprennent l'intention de ces énoncés, selon leurs consultations auprès des représentants du gouvernement et de l'industrie, il s'agit d'un travail qui est encore en cours de réalisation. Par exemple, on ne dispose que de peu d'informations sur les projets d'immobilisations à venir qui pourraient aider l'industrie canadienne à se positionner pour les processus d'approvisionnement à venir. S'il est vrai qu'on est à la merci de changements dans la préparation de tels projets, l'industrie comprend ce risque et la poursuite du dialogue permettrait aux entreprises de mieux se préparer qu'elles ne le font à l'heure actuelle. Pour que la proposition de mise en place de nouveaux rapports ait un sens, il faut renoncer à la négociation d'ententes ponctuelles et adopter une approche plus institutionnelle.

Même si l'exploitation de l'approvisionnement militaire pour favoriser l'essor des capacités industrielles canadiennes liées à la défense est un concept convaincant, la mise en œuvre d'une stratégie favorisant une telle exploitation exige une mûre réflexion et une planification raisonnée; il faut surtout éviter que cela fasse trop augmenter les coûts et les risques, ce qui compromettrait les résultats. Par conséquent, l'approche devrait être axée sur un nombre limité de domaines, ceux qui ont le plus grand impact pour ce qui est de stimuler l'innovation, la compétitivité et le maintien des capacités de satisfaire aux exigences particulières du Canada en matière de défense, afin de servir de tremplin permettant d'accéder aux marchés mondiaux.

Compte tenu du mandat du groupe d'experts, il est évident que le gouvernement s'interroge sur les avantages qu'il y a à définir des capacités industrielles clés (CIC) en vue de concentrer les efforts du gouvernement et de l'industrie sur un nombre restreint de priorités. D'autres pays ont adopté une approche comparable, comme l'Australie et le Royaume-Uni, avec des niveaux variables de réussite (voir l'annexe 4). Nous avons tiré des leçons de leur expérience et avons tenu compte des caractéristiques propres au Canada en ce qui a trait à sa géographie du pays et à son histoire dans le domaine des politiques publiques.

Le groupe d'experts reconnaît que la définition d'un regroupement ciblé de CIC soulève des inquiétudes en matière de favoritisme, mais il convient d'insister sur le fait que la sélection de CIC fait intervenir des domaines relativement généraux sur le plan des capacités et non des entreprises ou des produits précis. Une fois qu'on aura défini les CIC, il faudra que les politiques et les programmes auxquels on fera appel pour encourager leur développement continu soient fondés sur le mérite et conçus en vue d'instituer des normes d'excellence de calibre international.

On insiste également sur le fait que les activités dans les domaines ne relevant pas de ces CIC devraient continuer de bénéficier de la panoplie des politiques et des programmes du gouvernement offrant un appui d'ordre plus général. Autrement dit, si l'industrie canadienne dans le domaine de la défense devrait être, dans son ensemble, en meilleure posture grâce aux politiques ciblées sur les secteurs relevant des CIC, aucun sous-secteur particulier ne devrait voir sa situation affaiblir.

Section 5 : Critères de sélection des capacités industrielles clés

La première question incontournable que soulève l'élaboration de critères de sélection des CIC est celle de leur définition : comment décrire une capacité industrielle clé? Il y a tout un éventail de possibilités, allant d'une vision conventionnelle des secteurs, comme celui de la construction navale—ce qui correspond à la façon dont l'industrie se présente elle-même et dont Statistique Canada classe les activités industrielles—à l'option de se concentrer sur des aspects technologiques particuliers, comme celui des matériaux de pointe, qui recoupe plusieurs secteurs à la fois.

De l'avis du groupe d'experts, il serait plus approprié et pratique de définir les capacités : (a) par rapport à ce qui compose effectivement l'approvisionnement des gouvernements ou des entrepreneurs principaux; et (b) à un niveau suffisamment global pour sous-entendre une capacité d'innovation sophistiquée dans l'intégration de produits, ce qui traduirait l'ambition qu'a l'industrie canadienne de devenir un groupe de fournisseurs de palier 1 et de palier 2 dans les chaînes de valeur mondiales. Dans de telles circonstances, les CIC seraient définies comme étant des « systèmes », comme le système de commande et de soutien ou le système de formation.

Le principal facteur dans la sélection des CIC devrait être les exigences en matière d'acquisition établies dans la SDCD. Il est très peu probable qu'on puisse développer une capacité industrielle militaire particulière au Canada en l'absence d'une exigence d'approvisionnement sur le marché intérieur.

Avec les exigences en matière d'acquisition de la SDCD comme seuil de référence auquel les critères de sélection s'appliqueront, le groupe d'experts pense que les critères eux-mêmes devraient ménager un équilibre entre les besoins pratiques à court terme du Canada et l'objectif à long terme d'une participation de grande valeur aux marchés mondiaux. Cela mène à des critères fondés sur les trois perspectives générales qui suivent :

Perspective des exigences opérationnelles des Forces canadiennes

La SDCD, feuille de route détaillée du gouvernement en vue de la modernisation des Forces canadiennes, établit :

[…] des objectifs précis pour les Forces canadiennes, [qui] tiennent compte des résultats d'une analyse approfondie des attentes du gouvernement à l'égard des Forces canadiennes en ce qui a trait à leur rôle au pays et à l'étranger, des capacités qui permettront de réaliser les objectifs opérationnels et des ressources qui permettront d'obtenir ces capacités sur une période de planification de 20 ans.

Ces objectifs comprennent la souveraineté et la sécurité, la préparation au combat, les capacités futures en matière de défense et le soutien aux engagements dans le cadre de l'OTAN, du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) et d'autres obligations auprès de pays alliés.

Quand il s'agit de faire de ces objectifs un critère de sélection pour les CIC, certains concepts comme la souveraineté et la sécurité sont difficiles à représenter du point de vue opérationnel. Par conséquent, le critère envisagé devrait reposer sur les besoins particuliers des Forces canadiennes concernant l'acquisition de biens et de services, notamment :

En ce qui concerne la sécurité de l'approvisionnement, le résultat visé serait d'avoir une capacité canadienne de premier ordre dans des domaines où l'approvisionnement en provenance de pays étrangers pourrait être interrompu en raison d'exigences du gouvernement du pays d'origine, accompagnées d'une réduction des capacités, et ce, au détriment de la capacité opérationnelle du Canada. Pour les exigences propres au Canada, il faudrait qu'il y ait une capacité unique au Canada, qui pourrait être développée plus efficacement au Canada, au lieu de dépendre de modifications dispendieuses pour les fournisseurs étrangers. Pour ce qui est de certaines des exigences en matière de technologies de pointe, les capacités peuvent être si confidentielles qu'elles ne sont pas entièrement mises en commun, même avec des alliés proches tels que les É.-U., de sorte qu'elles exigent une capacité indépendante au Canada. En ce qui a trait à l'interopérabilité avec les alliés, si l'on se fie à notre expérience récente en Afghanistan, le Canada a un savoir-faire industriel qui peut faire partie de ses contributions sur le terrain pour les défis communs aux pays alliés. C'est au MDN qu'il reviendrait de recenser ces cas.

Perspective des débouchés sur les marchés

Les industries canadiennes dans le domaine de la défense doivent s'orienter davantage vers les marchés d'exportation et dépasser la proportion actuelle de 50 p. 100, afin de devenir plus concurrentielles sur le plan des coûts grâce à l'augmentation des économies d'échelle et de satisfaire à des normes de qualité de calibre international.

Pour situer les choses dans leur contexte, les entreprises établies au Canada exercent généralement des activités des paliers 2, 3 et 4 dans des chaînes de valeur mondiales gérées par des entrepreneurs principaux américains. Comme on l'a mentionné à la section 2, pour ces entrepreneurs principaux, la situation est en train de changer rapidement. On a là pour les fournisseurs canadiens une situation qui représente à la fois une menace et une possibilité : d'un côté, une baisse des débouchés commerciaux du fait que les entrepreneurs principaux fusionnent et ont moins recours à la sous-traitance tout en se diversifiant pour faire directement concurrence aux fournisseurs de plus petite taille; d'un autre côté, de nouvelles possibilités de croissance dans des créneaux exclusifs qui complètent les capacités révisées des É.-U.

Le gouvernement peut aider les entreprises canadiennes à renforcer leur pénétration sur le marché intérieur, mais pour avoir une croissance viable à long terme, il est essentiel d'assurer leur participation aux marchés d'exportation. S'il en est ainsi pour la quasi-totalité des entreprises canadiennes, c'est tout particulièrement le cas pour les industries de la défense et leurs antennes commerciales essentielles dans l'environnement actuel de concurrence acharnée.

Perspective de l'innovation

Il est clair que l'innovation est liée à la nécessité de croissance des exportations, car le niveau à dépasser pour réussir sur les marchés d'exportation face à la concurrence peut être encore plus élevé que sur le marché national, ce qui favorise l'innovation. Le groupe d'experts estime cependant que l'innovation devrait être un critère distinct, puisqu'elle met l'accent sur la qualité et l'obligation d'une amélioration en continu, que le produit soit destiné au marché intérieur ou à des marchés d'exportation. C'est seulement grâce à un engagement à innover que le secteur de la défense et de la sécurité du Canada parviendra à gravir les échelons de la chaîne de valeurs et à créer un nombre croissant d'emplois spécialisés bien rémunérés. La possibilité d'encourager l'innovation à la fois au sein de l'industrie de la défense et par une utilisation double sur les marchés commerciaux est une source de motivation essentielle concernant la mise en œuvre d'une stratégie d'approvisionnement dans le secteur de la défense pour le Canada.

Il est par conséquent indispensable que le Canada sélectionne les CIC en fonction de leur potentiel en termes d'innovation. Cette orientation est renforcée par la tendance dans les exigences en matière de défense des États-Unis, qui mettent de plus en plus l'accent sur les solutions technologiques permettant de juguler les menaces de l'avenir (cybernétique, renseignement et surveillance), par opposition à l'accent mis autrefois sur l'envoi de troupes sur le champ de bataille. Elle est également renforcée par la nécessité d'adopter, dans la planification à venir des exigences des missions pour les plates-formes de défense, une approche modulaire des sous-systèmes de haute technologie, parce que l'innovation se fait à des cadences différentes. Avec une telle approche modulaire, non seulement on arrive mieux à maîtriser les coûts, mais on garantit également que la plate-forme aura une longue durée de vie, comme on a pu le montrer avec le chasseur F-16, qui est en production depuis 35 ans.

La principale monnaie d'échange ayant cours dans les industries liées à la défense est la propriété intellectuelle. Le développement d'éléments de PI ou l'accès à de tels éléments par l'intermédiaire de transferts technologiques constituent la clé du succès. La mainmise sur les brevets est également une arme redoutable contre la concurrence et les grandes entreprises n'hésitent pas à la brandir pour protéger leur position dominante sur les marchés. Cela tend à défavoriser les entreprises canadiennes, notamment les PME, en l'absence d'efforts de la part du gouvernement pour pallier le problème. Pour ce qui est de la sélection des CIC, la richesse en PI est donc un aspect essentiel dans le critère du potentiel d'innovation.

La valeur substantielle des obligations en matière de RIR associées aux grands processus d'approvisionnement pour la défense auprès d'entrepreneurs principaux étrangers a également une portée considérable pour les affaires commerciales liées aux CIC. Il faudrait un examen exhaustif des contrats actuels en matière de RIR pour déterminer à quel point les CIC potentielles sont couvertes. Par conséquent, l'une des premières initiatives de suivi si l'on choisit d'adopter une approche axée sur les CIC devra être d'entreprendre un tel examen, tout en sachant qu'il s'agit avant tout de disposer d'un guide pour l'adoption d'une approche pour les RIR à l'avenir.

Le groupe d'experts a appliqué, à partir de ces trois critères, un processus de conceptualisation déductive en isolant systématiquement (a) les domaines visés par le plan de la SDCD dans lesquels les entreprises canadiennes ne sont pas des entrepreneurs principaux—p. ex. les plates-formes majeures (sauf dans le cas des navires)—et (b) les domaines concernant des produits de base avec peu de perspectives d'innovation, p. ex. les produits disponibles sur le marché commercial (COTS). Il reste alors trois grandes catégories présentant un potentiel pour les CIC : (i) les programmes pancanadiens, comme le soutien en service protégé par la PI; (ii) l'approvisionnement en produits spécialisés pour des entrepreneurs principaux en activité au Canada ou à l'étranger, comme les systèmes de commande de tir; et (iii) les solutions relevant de créneaux spécifiques, comme le créneau « modélisation et simulation ». Le groupe d'experts estime que ces trois domaines représentent, en gros, environ un quart de l'ensemble des approvisionnements dans le secteur de la défense au Canada liés à l'équipement et à la disponibilité opérationnelle, soit environ 10 p. 100 du total des dépenses prévues dans le cadre de la SDCD. C'est cela qui constituerait donc l'univers des politiques et des programmes axés sur les CIC.

Les Capacités industrielles clés sur le spectre continu de l'approvisionnement de la défense

Section 6 : Processus de détermination des capacités industrielles clés

Lorsque le groupe d'experts s'est penché sur un processus en vue de déterminer les CIC, il est apparu évident qu'on ne disposait ni des données adéquates ni de la base analytique pour effectuer une évaluation approfondie. Bien que le groupe d'experts se soit fait, dans le temps qui lui était imparti, une idée de l'ensemble des principales tendances, il n'a pu acquérir qu'une compréhension limitée des possibilités offertes par les marchés internationaux, du positionnement concurrentiel des différents fournisseurs étrangers, des capacités détaillées en place au Canada dans les domaines possibles pour les CIC et des exigences spécifiques en matière d'approvisionnement dans le domaine de la défense au Canada.

Si l'on avait disposé de plus de temps, la première étape aurait été d'élaborer une base analytique plus rigoureuse couvrant ces différentes questions. Étant donné l'urgence de la situation—découlant de l'imminence de décisions majeures sur l'approvisionnement au Canada et de la perspective de l'augmentation de la concurrence en raison de la réduction des marchés de la défense aux États-Unis et en Europe—il ne faut pas tarder à prendre les décisions relatives aux CIC en attendant les résultats d'une initiative analytique majeure et il faut donc prendre ces décisions à la lumière des meilleures données disponibles. Il est probable, sinon, qu'on perdra les principaux débouchés qui se présenteront au cours des trois prochaines années.

Le groupe d'experts avait initialement envisagé un processus d'arbitrage distinct qui permettrait de recommander au gouvernement une série de CIC à partir du contexte analytique mentionné ci-dessus. Pour assurer l'équité et la transparence, cet arbitrage aurait été confié à un groupe d'experts indépendants formé de personnes bien informées et expérimentées issues du monde des affaires, de l'administration gouvernementale et de la sphère universitaire, comme cela a été recommandé dans le cas de l'examen de l'aérospatiale (voir la section 8). Cependant, à la lumière des conditions excep-tionnelles existantes, le groupe d'experts a choisi de proposer au gouvernement un ensemble initial de CIC à partir des données disponibles, en y incluant les consultations qu'il a entreprises (voir la section 7).

Dans ce contexte, nous proposons deux étapes : on commencerait dès aujourd'hui par définir un ensemble initial de CIC et on procéderait par la suite par un examen plus robuste—initialement dans les quatre années à venir—pour valider ou modifier la sélection initiale selon l'expérience et parce qu'on dispose de meilleures données et analyses. Pour accélérer cette deuxième étape, le groupe d'experts pense que le gouvernement devrait prendre immédiatement des mesures pour permettre l'établissement, en partenariat avec l'industrie et le monde universitaire, d'une capacité de recherche et d'analyse dans le secteur de la défense, avec un organisme externe indépendant au Canada.

Section 7 : Sélection des capacités industrielles clés

L'objectif d'un processus de sélection serait de prendre une liste relativement longue de capacités liées à la défense canadienne et de la réduire à une courte liste de priorités pour guider les politiques et les programmes d'approvisionnement militaire du gouvernement.

Pour qu'une approche centrée sur les CIC connaisse la réussite, il est obligatoire de ménager un équilibre entre la portée et la visée et entre l'ambition et les réalités de la gestion pratique. Sur cette question, une étude américaine récemment publiée sur la base industrielle de la défense des É.-U.Note de bas de page 5 émet l'observation suivante :

Sur les deux ou trois douzaines de secteurs selon lesquels on peut logiquement segmenter la base industrielle de la défense, le nombre de secteurs stratégiquement cruciaux ne peut pas dépasser cinq à sept. L'adoption d'une bonne stratégie est une question de choix…(p. xiii)

Le groupe d'experts est du même avis et pense qu'il serait approprié d'adopter un petit nombre de CIC—cinq à sept constituant un intervalle raisonnable.

L'idée de fonder certaines politiques en matière d'approvisionnement militaire sur des capacités industrielles clés a des précédents importants au Canada, plus particulièrement dans l'établissement de sources intérieures pour les munitions et les navires. Puisqu'il existe déjà des politiques spéciales en matière d'approvisionnement dans ces domaines, le groupe d'experts les considère de fait comme des « CIC » déjà établies.

Le groupe d'experts a effectué une mise en correspondance exhaustive entre les capacités canadiennes et les trois critères proposés à la section 5, à savoir les besoins opérationnels des Forces canadiennes, les possibilités d'exportation et le potentiel d'innovation. Le groupe d'experts a tout particulièrement pris en note les objectifs et les exigences présentés dans le document de la SDCD, ainsi que les opinions des représentants militaires des É.-U. des trois services au sujet de la complémentarité des capacités industrielles américaines et canadiennes. Il a aussi pris en compte la liste des 16 capacités des membres fournie par l'AICDS (voir l'annexe 5). Selon toutes ces considérations, le groupe d'experts recommande l'ensemble suivant de six regroupements de CIC (sans ordre de priorité) :

Voici de courtes descriptions de chacun des regroupements de CIC précédents, présentant leur contexte et leur pertinence pour le Canada et offrant quelques exemples à titre d'illustration de capacités particulières.

Sécurité de l'Arctique et sécurité maritime

La vaste frontière maritime du Canada (trois océans) et la masse terrestre arctique présentent des exigences uniques et redoutables en matière de sécurité. Celles-ci sont devenues plus urgentes en raison du changement climatique et du potentiel d'extraction de ressources et de trafic maritime qui menace un environnement fragile et remet potentiellement la souveraineté canadienne en question.

L'obligation en matière de sécurité est de surveiller, quasiment en temps réel, avec un degré élevé de couverture et de résolution, des terres vastes, arides et principalement inhabitées et un territoire maritime et de déployer et de soutenir des forces au besoin. Pour cela, le Canada a besoin : de capacités particulières dans les dispositifs intégrés de renseignement, surveillance et reconnaissance (RSR) en mer, dans les airs et dans l'espace; de systèmes d'abri et de production d'électricité pour permettre l'exécution d'opérations dans l'Arctique; d'opérations de recherche et de sauvetage; et d'un équipement militaire conçu pour fonctionner dans les conditions les plus extrêmes sur la planète.

Abris dans l'Arctique canadien. Abris dans l'Arctique canadien (Photo : ministère de la Défense nationale).

Protection des soldats

Soldat canadien dans le district de Panjwai'i de la province de Kandahar, en Afghanistan. Soldat canadien dans le district de Panjwai'i de
la province de Kandahar, en Afghanistan
(photo : ministère de la Défense nationale)

Les soldats d'aujourd'hui ont à utiliser beaucoup plus de technologies, à endurer des environnements plus extrêmes et à survivre à des armes plus meurtrières que jamais auparavant. Le soldat équipé est, en fait, un système de systèmes qui améliorent grandement sa conscience de la situation et permet d'effectuer des opérations hautement synchronisées. (La police et d'autres autorités civiles sont en mesure d'acquérir bon nombre des mêmes capacités.) Le défi est d'équiper le soldat de manière à ce qu'il soit encore plus protégé et capable tout en réduisant le poids de la « trousse » pour qu'il puisse faire son travail avec une grande efficacité. La protection du soldat d'infanterie est complétée par l'innovation dans la conception des véhicules blindés en vue de répondre à de nouvelles menaces, comme les engins explosifs improvisés. Le Canada figure déjà parmi les chefs de file mondiaux dans la protection et l'habilitation des soldats. Parmi les capacités spécifiques qu'on pourrait développer, on note, par exemple : les véhicules blindés; les « textiles intelligents » qui réagissent à l'environnement et la technologie informatique intégrée; les technologies de vision nocturne; le camouflage conçu par ordinateur; et la production d'électricité autonome, entre autres.

Commandement et soutien

Soldat installant un mât de communication radio Vixam à l'avant d'un camion-station de rediffusion radio en Haïti, 2010. Soldat installant un mât de communication
radio Vixam à l'avant d'un camion-station
de rediffusion radio en Haïti, 2010
(photo : ministère de la Défense nationale)

Le secteur dit « commandement et soutien » fait référence à la capacité d'orienter les forces de la défense et de la sécurité vers un objectif et d'envoyer du soutien au besoin. L'exigence n'est pas nouvelle et remonte à des considérations de base sur la tactique et la communication sur le champ de bataille, mais les capacités remarquables de l'informatique, des communications et des technologies de détection ont apporté un niveau de sophistication et un rythme de développement sans précédent. Les opérations militaires canadiennes d'aujourd'hui dépendent du soutien au combat par l'entremise de suites intégrées de capacités techniques communément appelées « C4ISR » (commandement, contrôle, communications, informatique, renseignements, surveillance et reconnaissance). Il faut généralement que ces systèmes fonctionnent en interopérabilité avec ceux de nos alliés. Les capacités spécifiques dans ce vaste domaine comprennent plusieurs sous-secteurs où le Canada est déjà fort à l'heure actuelle : intégration avancée des systèmes, logistique et mobilité et capacités d'assurer l'interopérabilité.

Cybersécurité

Modélisation 3D interactive. Modélisation 3D interactive (photo : NGRAIN)

Le cyberespace—qu'on peut définir comme étant les réseaux électroniques utilisés pour stocker, modifier et échanger des informations—est un catalyseur de plus en plus vital de fonctions sociales, économiques et militaires dans notre monde moderne. Il est devenu par conséquent un domaine de conflit potentiel semblable à la terre, la mer, l'air et l'espace orbital. Avec la portée et le rythme de progression des technologies de l'information et de la communication, l'exigence de cybersécurité est vaste et continue de s'élargir rapidement. Elle couvre tout un éventail : protection des réseaux intérieurs vitaux qui, par exemple, contrôlent les réseaux électriques; lutte contre l'utilisation de dispositifs aussi simples que des téléphones portables pour coordonner des attaques; emploi de techniques sophistiquées comme l'intrusion informatique et le brouillage pour faire des dégâts chez l'adversaire; etc.

Les capacités clés pertinentes dans le domaine de la cybersécurité comprennent les techniques et les systèmes liés au matériel et aux logiciels dont les pouvoirs civils et militaires ont besoin pour protéger notre accès au cyberespace et son utilisation; et, dans l'éventualité d'un conflit, pour perturber la capacité de fonctionnement de l'adversaire dans le cyberespace.

Systèmes de formation

Les technologies militaires et autres relatives à la sécurité deviennent toujours plus sophistiquées et plus complexes et évoluent toujours plus rapidement, comme c'est le cas des situations dans lesquelles on fait appel aux forces. Il y a un besoin correspondant de systèmes de formation capables de préparer nos forces de sécurité terrestre, maritime, aérienne et civile de manière plus flexible, plus rentable et avec une plus grande interopérabilité. Heureusement, les technologies de l'information numérique qui ont accru la capacité de nos forces et la complexité des dispositifs qu'elles doivent maîtriser ont également suscité une révolution dans la formation axée sur la simulation, la modélisation et la technologie d'affichage et, plus récemment, la technologie de jeux vidéo. Ces méthodes ont généralement une utilité double et sont utilisées à la fois dans des applications militaires et dans des applications commerciales. Le Canada a déjà des capacités importantes à la fine pointe dans les systèmes de formation et leurs composants, qui comprennent, par exemple : les médias numériques; la modélisation et la simulation; les systèmes d'information géographique ultra-larges; les environnements massivement multi-utilisateurs; et les facteurs humains.

Soutien en service

Le domaine du soutien en service (SES) englobe l'ensemble des activités qui renforcent et maintiennent le rendement de l'équipement militaire tout au long de sa durée de vie. Cela comprend, comme exigence fondamentale, l'élaboration et la mise à jour régulière d'une stratégie et de plans connexes visant à optimiser le soutien. Le SES comprend les fonctions particulières suivantes : la réparation et la maintenance; les modifications pour répondre à l'évolution des exigences sur toute la longue durée de vie de la plupart des appareils d'équipement principal, ainsi que la prolongation de cette durée de vie; et la formation liée à la mission du SES. Les capacités clés à l'intérieur du vaste domaine du SES sont celles qui sont technologiquement sophistiquées (et nécessitent habituellement l'accès aux éléments de propriété intellectuelle pertinents du fournisseur de l'équipement) et celles qui sont nécessaires pour maintenir les biens essentiels et les fonctions cruciales, ainsi que la base de compétences de pointe en SES au Canada.

Soutien en service pour un CP-140 Aurora. Soutien en service pour un CP-140 Aurora (photo : IMP Aerospace & Defence)

Section 8 : Examen des programmes et des politiques de l'aérospatiale et de l'espace

Le groupe d'experts s'est penché sur les recommandations de l'Examen des programmes et des politiques de l'aérospatiale et de l'espace (EPPAE), publié le 29 novembre 2012. Le volet de l'EPPAE sur l'aérospatiale comporte plusieurs recommandations qui coïncident clairement avec les conclusions du groupe d'experts et les confirment.

L'une des principales recommandations porte sur les politiques et les programmes qui ciblent les technologies de l'aérospatiale dont le potentiel à long terme est le plus prometteur et propose de ne pas disperser les efforts dans un trop grand nombre d'initiatives. Les auteurs de l'examen soutiennent que

[…] la liste devrait être de haut niveau et inclure un nombre limité de technologies prioritaires […] Si elle prévoit plus de 10 technologies, on peut conclure qu'il n'y a pas de véritables priorités. (p. 33)

Cette opinion concorde avec l'idée que les CIC sont des priorités pour les industries de la défense au Canada et avec l'avis du groupe d'experts selon lequel il faut limiter, dans un premier temps, le nombre des CIC à cinq ou sept afin de mettre en place une orientation stratégique claire. La définition de priorités que demande l'EPPAE et la sélection de CIC dans le présent rapport sont également compatibles dans la pratique, car le soutien à des priorités particulières dans le domaine de la technologie vient tout naturellement avant le développement des diverses capacités industrielles axées sur ces mêmes technologies.

L'EPPAE semble également indiquer que les observations sur la liste des priorités technologiques devraient être obtenues auprès d'un réseau de spécialistes issus de l'industrie, du gouvernement et du milieu universitaire et s'appuyer sur plusieurs critères, dont les domaines où l'industrie canadienne jouit d'un avantage concurrentiel, où le gouvernement a des exigences en matière d'approvisionnement et où il est probable que la demande nationale et mondiale va augmenter. Cette liste servirait par la suite à orienter les décisions sur le financement de la R-D et sur les RIR. On n'exclurait pas les autres domaines, mais ceux-ci devraient satisfaire à des exigences plus strictes avant d'être envisagés. Ceci ressemble à l'approche globale du traitement des CIC que suggère le groupe d'experts et est compatible avec cette approche.

L'EPPAE contient deux recommandations qui abordent directement l'exploitation de l'approvisionnement : le soutien en service et les retombées industrielles. Les auteurs de l'EPPAE soulignent que les travaux de SES offrent d'importantes retombées en engendrant un afflux stable de recettes qui contribuent au développement de techniques avancées et de la capacité de conception ainsi qu'à la sécurisation de la souveraineté. Ils recommandent par conséquent que tout soumissionnaire soit tenu de participer à un partenariat avec une entreprise canadienne pour le volet de SES et de procéder à un transfert des données techniques et des éléments de PI. Le groupe d'experts est clairement favorable à une telle analyse, car le SES est un élément important et porteur des dépenses d'approvisionnement dans le domaine de la défense. Par ailleurs, le transfert de technologies est un facteur déterminant de la croissance liée à l'innovation.

L'EPPAE poursuit en recommandant que

[…] chaque soumissionnaire soit obligé de présenter un plan détaillé en matière de retombées industrielles et technologiques faisant partie intégrante de sa proposition, et qu'on accorde à ce plan un facteur de pondération dans le choix de la soumission retenue. (p. 2)

Cette recommandation s'appuie sur le constat (que le groupe d'experts fait sien) que les obligations de dépense sont engendrées au moment de l'achat, mais ne sont généralement pas suffisamment claires quant à la façon de s'en acquitter. Le fait de négocier des plans plus clairs, plus précis et plus tôt au cours du processus, lorsque l'influence du gouvernement est à son point culminant, devrait produire plus rapidement des résultats concrets et avantageux.

Il y a globalement une forte compatibilité entre les travaux du groupe d'experts et l'EPPAE en ce qui concerne les recommandations évoquées ci-dessus. Il y a aussi une concordance thématique en ce qui concerne la nécessité d'encourager la croissance axée sur l'innovation à l'aide de politiques qui favorisent les secteurs de l'industrie canadienne plus compétitifs à l'échelle internationale.

Examen de l'aérospatiale et liens avec les programmes et les politiques spatiaux

L'Examen des programmes et des politiques de l'aérospatiale et de l'espace, mené par l'honorable David Emerson, avait pour mandat de déterminer ce que les politiques et les programmes fédéraux peuvent faire pour contribuer à maximiser la capacité concurrentielle des secteurs de l'aérospatiale et de l'espace au Canada.

Les principales recommandations du rapport au gouvernement du Canada que le groupe d'experts considère comme pertinentes dans son travail comprennent les suivantes :

Section 9 : Facteurs de réussite pour la mise en oeuvre des Capacités industrielles clés

La sélection des CIC n'est qu'une première étape dans l'élaboration d'une stratégie visant à améliorer la croissance durable à long terme dans les industries canadiennes liées à la défense. Les capacités en elles-mêmes sont simplement un moyen ciblé de déterminer les secteurs ayant le plus grand potentiel. Elles demeureraient sans effet si elles n'étaient pas intégrées dans les cadres stratégiques et les cadres de programmes du gouvernement. Cela signifie aussi que, dans certains cas, il faudra apporter des changements substantiels aux politiques et aux programmes pour réaliser les avantages des CIC.

En premier lieu, les CIC pourraient servir à renforcer la focalisation et l'intégration de l'ensemble existant de politiques et de programmes du gouvernement. Cet ensemble va des pratiques d'approvisionnement militaire ellesmêmes à la RDDC et aux autres programmes pertinents de soutien technologique, ainsi qu'au nouveau volet militaire annoncé du PCCI, aux RIR et au volet de défense et de sécurité de la stratégie commerciale mondiale axée sur le commerce d'intégration.

Plusieurs instances fédérales en dehors des trois principaux ministères—TPSGC, MDN et Industrie Canada—participent à l'exécution de ces politiques et de ces programmes et le groupe d'experts a rencontré des représentants de toutes (p. ex., le ministères des Affaires étrangères et du Commerce international, la Corporation commerciale canadienne et Exportation et développement Canada). Ces instances effectuent un travail utile et collaborent sur des enjeux particuliers. On constate cependant qu'il n'y a pas suffisamment d'efforts de collaboration qui représenteraient une approche cohésive « à l'échelle de l'ensemble du gouvernement » de la promotion des capacités industrielles de la défense canadienne. Cela n'est pas surprenant puisqu'il n'existe en ce moment aucun ensemble de priorités qui couvre l'ensemble du gouvernement, ce que l'adoption d'une série de CIC devrait fournir.

Les politiques et les programmes pertinents nécessiteront tous un volet spécial sur les CIC afin de faire la promotion de la capacité industrielle canadienne dans ces secteurs choisis. Cela étant dit, il faudrait continuer d'appliquer le niveau normal de soutien gouvernemental dans les domaines non liés aux CIC. De plus, il faudrait éviter que les ressources qu'il faudra fournir progressivement pour mettre en œuvre les CIC aient un impact négatif sur ces exigences fondamentales qui restent valables. Voici une liste qui illustre les secteurs dans lesquels on pourrait appliquer un volet spécial sur les CIC :

Après un travail exhaustif de consultation et de réflexion, la conclusion du groupe d'experts est que le simple fait d'inclure les CIC dans l'ensemble existant de politiques et de programmes du gouvernement produirait des résultats insuffisants. En effet, pour que les CIC jouent un rôle de catalyseur fort dans l'amélioration du rendement industriel, il faudrait que le gouvernement apporte des changements à ses politiques d'approvisionnement militaire du côté de la demande et aux programmes connexes du côté de l'offre qui soutiennent la R-D et le transfert de technologies dans le domaine de la défense.

Éléments relevant du côté de la demande

L'utilisation stratégique de l'approvisionnement nécessite qu'on fasse plus que prendre une série de décisions sur des acquisitions particulières dans le cadre de la SDCD. Il faut, au lieu de cela, adopter une approche équilibrée avec un « portefeuille » de quatre options d'approvisionnement :

  1. développer un nouveau produit sur le marché intérieur;
  2. adapter un produit existant aux besoins du Canada;
  3. développer un produit dans le cadre d'un partenariat international;
  4. faire l'acquisition d'un produit existant à l'étranger.

Il est nécessaire de ménager un équilibre entre ces options d'approvisionnement—comme dans le cas de tout portefeuille d'investissement—afin d'éviter de dépendre excessivement d'une option particulière et d'atténuer ainsi le risque sur le plan du rendement et du coût. À cet égard, les avantages pour l'économie canadienne découlant des approches actuelles de ces options d'approvisionnement dépendent dans une large mesure des engagements importants en matière de RIR associés aux plates-formes majeures—c'est-à-dire de l'option 4—sachant que les RIR pourraient atteindre un total cumulé brut de presque 60 milliards de dollars d'ici 2027 (voir la figure 7a à la page 17). De tels engagements, remplis principalement par un petit nombre d'entrepreneurs principaux étrangers sous l'effet de la contrainte en raison du déclin des marchés, représentent un risque accru de non-réalisation, en partie parce que les obligations ont tendance à être concentrées à la fin du projet. En outre, les pénalités officiellement prévues en cas de non-réalisation des RIR, alors même qu'elles sont d'un montant modeste par rapport aux obligations, seraient difficiles à appliquer si les entrepreneurs principaux éprouvaient des difficultés financières.

Pour bien gérer les risques, il faut une augmentation du recours à d'autres manières d'obtenir des retombées pour l'industrie canadienne—y compris des éléments relevant des options 1 et 2 ci-dessus—de façon à réduire la dépendance vis-à-vis des RIR dans la structure actuelle. Bien qu'il soit difficile d'estimer, dans le cadre du déroulement ordinaire des affaires, la répartition qu'on obtiendrait des acquisitions dans le porte-feuille des quatre options d'approvisionnement, le groupe d'experts pense que, pour parvenir à un bon équilibre à l'avenir dans le portefeuille, il serait bon de limiter la part d'une option donnée, quelle qu'elle soit, à 50 p. 100 maximum.

En plus d'une stratégie globale ayant pour but de rééquilibrer le portefeuille de l'approvisionnement militaire, il sera important d'apporter des changements dans le cadre de chacune des quatre options, y compris l'option 4, afin de maximaliser les retombées d'une approche axée sur les CIC. Les sections suivantes examinent tour à tour chacune des options pour l'approvisionnement.

1. Élaborer un nouveau produit

En dehors de la SNACN et du programme de frégate de patrouille qui l'a précédé, il n'y a eu aucune situation au cours des 50 dernières années dans laquelle le Canada a exercé l'option « concevoir et fabriquer au pays » pour les plates-formes majeures. Même pour des processus d'approvisionnement de moindre ampleur, le seul exemple est l'approvisionnement à long terme en munitions à l'échelle nationale. Cette option de développement d'un produit original s'appliquerait plus souvent à de petites acquisitions ponctuelles, plutôt qu'à l'acquisition de grandes plates-formes pour lesquelles il y existe moins de capacités canadiennes. En outre, il s'agit d'une option qui, dans certains cas, pourrait être exercée plus fréquemment à l'avenir en raison de l'amélioration des capacités nationales à laquelle on peut s'attendre dans les secteurs relevant des CIC; on pourrait par exemple exiger que certains éléments soient fabriqués au Canada pour les acquisitions de plates-formes plus importantes.

Les six domaines de CIC proposés sont assez vastes pour qu'on puisse s'attendre à ce que la majorité des processus d'approvisionnement dans ces secteurs suscitent des soumissions de multiples fournisseurs basés au Canada, ce qui permettra d'assurer un processus concurrentiel de portée adéquate entre les entreprises canadiennes. Cela favorisera l'innovation et imposera une certaine discipline dans l'établissement des prix des soumissions. Toutefois, cela exigera un changement dans l'interprétation prédominante que TPSGC fait du rapport qualité-prix, en passant d'un accent mis sur le maintien au plus bas niveau possible des coûts à court terme à un accent sur les retombées économiques à long terme pour le Canada. Dans ce contexte, il y a aussi le besoin d'examiner et de réformer les politiques et les pratiques en matière d'approvisionnement connexes, comme la Politique sur le contenu canadien et l'exception au titre de la sécurité nationale, dans le but d'améliorer les débouchés pour les fournisseurs canadiens admissibles.

Presque toutes les entreprises que le groupe d'experts a consultées expliquent leur réussite à l'étranger en remontant à un approvisionnement initial du gouvernement canadien qui leur a permis de créer des éléments de propriété intellectuelle uniques—comme on l'a indiqué à la section 4. On ne dispose cependant d'aucun exemple récent au cours des 20 dernières années. Avec les débouchés créés par la SDCD, on observe la concrétisation des conditions propices à la mise en œuvre de ce type de développement industriel qui a fait ses preuves, avec un accent sur les CIC.

2. Adapter un produit existant aux besoins du Canada

Même dans les domaines relevant des CIC, le Canada devra dépendre d'au moins certaines composantes technologiques d'origine étrangère à la base du développement du produit. (Le Canada représente environ 2 p. 100 de l'innovation mondiale et il nous faut calibrer nos objectifs en conséquence.) Dans la pratique, cela consiste habituellement à acheter l'élément de propriété intellectuelle nécessaire pour un produit ou à obtenir l'accès à cet élément de propriété intellectuelle d'une autre manière et à utiliser les données techniques transférées comme base pour une solution fabriquée au Canada. Nos véhicules blindés légers (VBL), par exemple, qui ont eu beaucoup de succès, sont fabriqués à partir d'une technologie appartenant à une entreprise suisse. Pour combler les objectifs industriels de la défense, il y aura des occasions où il sera plus rentable d'acheter des technologies étrangères que de les développer à partir de zéro au Canada.

Les CIC permettraient au gouvernement de se focaliser sur la définition des éléments qu'il doit chercher à entreprendre au Canada grâce à l'adaptation d'un produit existant. Par exemple, la CIC « commandement et soutien » proposée pourrait être précisée comme consistant en un élément fabriqué au Canada qui fait appel à un transfert de technologie en provenance de l'entrepreneur principal. Ceci serait négocié dans le cadre du contrat d'approvisionnement et comprendrait le paiement de la PI. Il pourrait s'avérer possible pour le nouveau PCCI axé sur la défense de faciliter une telle approche.

Plus généralement, vu la valeur du SES sur la durée de vie d'une acquisition, le gouvernement pourrait négocier l'achat et le transfert d'éléments riches en PI et liés aux CIC, non seulement pour favoriser la création d'emplois à rémunération élevée et hautement spécialisés sur plusieurs années, mais aussi pour assurer le contrôle souverain de la disponibilité opérationnelle des Forces canadiennes.

Le groupe d'experts est d'accord avec l'intention de l'EPPAE, qui est que les entrepreneurs principaux étrangers s'associent en partenariat avec des entreprises canadiennes, mais recommande une approche plus générale que le seul contexte du SES, dans laquelle on pourrait réserver, dans les processus d'approvisionnement menés par des entrepreneurs principaux étrangers, des éléments particuliers à des fournisseurs canadiens, comme cela est expliqué plus haut. Ceci permettrait de réduire la taille des obligations résultantes en matière de RIR, tout en réalisant des retombées centrées sur les CIC pour le Canada.

Les investissements ne produisent pas toujours le même résultat

Est-ce que l'impact économique d'un dollar dépensé en approvisionnement militaire dépend de la nature de l'activité pour laquelle on le dépense? Par exemple, est-ce qu'un dollar consacré à l'activité « A »—mettons, l'application d'une nouvelle couche d'asphalte sur une piste—a le même effet sur la création d'emplois qu'un dollar consacré à l'activité « B »—mettons, l'achat d'un logiciel de traitement d'image très sophistiqué? (Ces exemples précis ne sont que des illustrations.)

Dans chaque cas, il y aura un impact direct sur les salaires perçus par les ouvriers qui s'occupent de l'asphaltage ou les développeurs du logiciel et il y aura des achats dans la chaîne d'approvisionnement (c'est-à-dire des achats auprès de producteurs d'asphalte ou d'ingénieurs). À très court terme, les effets liés sur le revenu et la création d'emplois peuvent être sensiblement les mêmes pour A et B. En revanche, dans le cas de l'activité A, les perspectives de croissance à long terme sont limitées. La technologie de la production et de l'application de l'asphalte, même si elle n'est pas complètement statique, est assez évoluée. Les possibilités de perfectionnement des compétences humaines sont ainsi limitées. On peut continuer d'offrir des services aux marchés locaux actuels, mais il y a peu de possibilités de développement des exportations.

L'activité B présente des caractéristiques opposées : elle est dynamique sur le plan technologique et étroitement liée, dans ce cas, à la révolution continue de la technologie informatique. Elle est axée sur les compétences et fait intervenir un apprentissage qui développe le capital humain. L'activité B est riche en occasions d'innover pour déboucher sur de nouvelles capacités ou à une augmentation de la rentabilité de la production. Cela permet d'offrir de tels services sur de nouveaux marchés ou des marchés plus importants, à l'échelle nationale et internationale. C'est, au bout du compte, la croissance des marchés qui est la source de croissance pour l'emploi et pour le revenu.

Les activités A et B ont donc des conséquences très différentes pour l'économie à moyen terme. Dans le contexte de l'approvisionnement militaire, il y a une grande différence entre une stratégie qui tente simplement d'obtenir des dépenses d'un dollar de la part des entrepreneurs principaux pour chaque dollar investi et une stratégie qui cible délibérément de riches possibilités d'innovation, lesquelles sont la véritable source de croissance pour le revenu et la création de bons emplois.

3. Développer un produit dans le cadre d'un partenariat international

Cette option fait intervenir la participation de l'industrie canadienne au codéveloppement d'un produit pour la défense avec pour intention de fabriquer par la suite des éléments particuliers du produit final pour les marchés mondiaux. C'est l'approche que le Canada et les autres alliés ont adoptée pour développer l'avion de combat interarmées. Il s'agit d'une approche attrayante du point de vue de l'industrie de la défense, parce qu'elle incite au développement des CIC (et du point de vue plus général du portefeuille, puisqu'elle n'utilise pas les RIR). Dans les cas où l'on élabore un produit de défense à l'aide d'une approche progressive et modulaire, on peut avoir une accumulation de CIC au fil du temps qui permettra d'approvisionner les marchés mondiaux avec les générations ultérieures du produit.

L'option 2—à savoir l'adaptation d'un produit existant par l'entremise d'un transfert de technologie—sera généralement préférable à l'option 3. La raison à cela est que, pour un pays comme le Canada, il y a habituellement plus d'avantages que de risques à acheter les droits de PI pour une technologie qui a fait ses preuves que de développer une nouvelle technologie en tant qu'associé minoritaire dans un programme international. C'est parce que ce type de programme a tendance à faire intervenir des consortiums internationaux et à présenter des risques plus élevés sur le plan du calendrier et de la maîtrise des coûts.

4. Faire l'acquisition d'un produit existant à l'étranger

Il s'agit de l'option employée le plus souvent pour les acquisitions de plates-formes majeures. Les trois autres options sont, par comparaison, utilisées peu fréquemment, en raison de l'absence de capacité industrielle ou de préoccupations en ce qui a trait au risque et au prix des contrats.

Cette option présente deux grandes difficultés : la pratique consistant à exiger un « point unique de responsabilisation » (PUR) et l'application de la politique des retombées industrielles et régionales (RIR).

En ce qui a trait au PUR, la pratique actuelle est de l'attribuer à un entrepreneur principal (souvent étranger) pour la durée de vie de l'approvisionnement. Cela a non seulement tendance à exclure la participation canadienne au soutien en service, mais cela peut aussi empêcher les entreprises canadiennes de gravir les échelons de la chaîne de valeur lorsqu'elles élaborent des solutions relevant de créneaux bien particuliers qui jouent un rôle dans ces plates-formes. Afin d'encourager le développement de capacités canadiennes particulières et de voir l'émergence éventuelle d'entreprises canadiennes susceptibles d'être elles-mêmes des entrepreneurs principaux, il faut que le modèle de responsabilisation pour les acquisitions de plate-forme prenne en compte non seulement l'efficacité opérationnelle, mais également les possibilités de développement économique.

En ce qui a trait aux RIR, en raison de la valeur prépondérante des plates-formes sophistiquées importantes dans le plan d'acquisition de la SDCD, elles sont devenues le point d'appui principal du gouvernement du côté de la demande pour les industries de la défense au Canada.

Le recours à la politique des RIR est une réponse raisonnable à la prédominance d'un entrepreneur principal sur les marchés de la défense internationaux et elles resteront un moyen important de stimuler l'activité économique au Canada. Toutefois, la conception et la mise en œuvre actuelles de la politique des RIR produisent des résultats insuffisants dans l'environnement d'aujourd'hui. L'approche axée sur l'économie de marché de la politique—dans laquelle la sélection des projets de RIR se fait à la seule discrétion de l'entrepreneur principal—correspond plutôt aux besoins de l'économie canadienne dans les années 1980 qu'à ses besoins en 2013. Au cours des décennies passées, le plus gros problème de politique économique au Canada était le taux de chômage et les dépenses publiques, quelle que soit la nature de l'activité, contribuaient à créer des emplois dont on avait bien besoin.

Cette approche est bien moins appropriée aujourd'hui, car c'est la qualité, plutôt que la quantité, des possibilités d'emploi au Canada qui représente un enjeu de politique publique plus important. Le défi principal aujourd'hui est de créer des emplois hautement spécialisés, avec une rémunération élevée, qui sont axés sur des produits innovateurs qui permettront à l'industrie canadienne d'être compétitive à l'échelle internationale. Pour les RIR, cela signifie que l'argent consacré à des travaux hautement spécialisés est un investissement à long terme—un investissement principalement en capital humain—tandis que l'argent consacré aux travaux peu spécialisés, où il n'y a quasiment pas d'ajout au capital humain, est essentiellement équivalent à une consommation à court terme.

Il convient d'orienter nettement plus les RIR vers les possibilités d'emploi à haute spécialisation et à rémunération élevée. Bien que les changements récents apportés à la politique des RIR améliorent les mesures incitant les entreprises à se lancer dans des activités innovantes, l'approche globale reste fondamentalement passive et laisse les entrepreneurs principaux choisir l'endroit où ils vont conclure leurs contrats. Il faut adopter une approche plus proactive et ciblant les intérêts canadiens pour la politique des RIR si on veut contrebalancer l'intérêt des entrepreneurs principaux, que les conditions difficiles sur le marché rendent encore plus affûté. Sinon, il est peu probable que les entrepreneurs principaux étrangers choisissent délibérément de faire des investissements de grande valeur dans les capacités canadiennes. À cet égard, le groupe d'experts soutient la recommandation de l'EPPAE concer-nant l'évaluation et la négociation des RIR dès le début du processus d'approvisionnement.

Avec une telle approche révisée des RIR :

L'augmentation des engagements en matière de RIR liée à l'afflux actuel des mesures d'approvisionnement militaire ne peut pas être gérée de manière adéquate avec une approche axée sur le statu quo, en particulier si le gouvernement veut négocier les offres de RIR, les coter et veiller activement à ce que les entreprises respectent leurs engagements. L'administration de la politique des RIR devra donc être mise à jour en renforçant sa dotation en personnel et en s'appuyant sur des ensembles de compétences plus sophistiquées.

Éléments relevant du côté de l'offre

Si on veut adopter une approche plus efficace de l'approvisionnement militaire, il faudra des mesures complémentaires du côté de l'offre. Il y a un besoin permanent d'assurer un niveau de base de soutien aux programmes de R-D. La principale source de soutien à la R-D dans le domaine de la défense est l'organisme Recherche et développement pour la défense Canada (RDDC), qui a un budget annuel d'environ 300 millions de dollars. Dans l'éventualité où le Canada s'engagerait sérieusement à adopter une stratégie industrielle pour la défense, il serait approprié d'adopter quelque chose qui ressemble davantage au modèle de la « Defense Advanced Research Projects Agency » aux É.-U., en s'appuyant davantage sur des activités de R-D financées par le gouvernement mais exécutées par le secteur privé. À cet égard, il faudrait qu'on se concentre, dans le soutien existant au développement et dans les augmentations prévues, sur les CIC.

L'un des principaux objectifs pour un instrument du côté de l'offre sera de soutenir l'adoption et l'adaptation de technologies créées ailleurs dans le monde, qui représentent en gros 98 p. 100 du total. L'influence sur les compagnies étrangères exercée par l'entremise du processus d'approvisionnement aidera à faciliter le transfert d'éléments de PI, mais il y aura un coût, qui ne doit pas être entièrement assumé dans le prix du contrat. Si l'acquisition d'éléments de PI doit être l'une des principales dimensions de la stratégie, alors il faudra une réponse avec des programmes systématiques pour réaliser cet objectif.

L'appui à la commercialisation de la PI est un indicateur important du côté de l'offre. La version militaire du PCCI déjà annoncée par le gouvernement dans son budget pour 2012 est un modèle possible, bien que son financement soit modeste par rapport aux possibilités. Il est très dispendieux de créer des prototypes et de faire des démonstra-tions de produits sophistiqués et, à moyen terme, il pourrait être plus approprié de mettre sur pied une instance indépendante, comme Technologies du développement durable du Canada (TDDC).

Dans le climat fiscal actuel, il est difficile de financer ce type d'initiatives en R-D et en commercialisation. On pourrait utiliser comme source de financement la « banque » croissante d'obligations relatives aux RIR. Un pourcentage même modeste des engagements en matière de RIR suffirait à financer de façon adéquate un effort important du côté de l'offre en vue de compléter la réorientation du côté de la demande.

Pour terminer, dans ses efforts pour relier les instruments relatifs à la demande et à l'offre, le groupe d'experts s'est informé sur des cas où des entreprises qui avaient profité du soutien fédéral à la R-D se sont vu interdire, par la suite, de participer à un appel d'offres pour des processus d'approvisionnement connexes, au motif que le soutien fédéral leur accordait un avantage concurrentiel inéquitable. Cette pratique est perverse et contre-productive. Elle freine non seulement la collaboration entre l'acheteur et le vendeur, qui est essentielle pour élaborer des solutions novatrices, mais elle annule aussi les avantages économiques de cette collaboration.

Priorités pour la mise en œuvre efficace des capacités industrielles clés

Au cours des consultations du groupe d'experts auprès des représentants de l'industrie et du gouvernement, plusieurs questions liées aux politiques et aux programmes se sont nettement dégagées, les plus cruciales d'entre elles se rapportant au côté de la demande :

En temps normal, il faut beaucoup de temps pour mettre en œuvre des changements importants dans les politiques et les programmes et sur le plan institutionnel. Mais il faut désormais avoir une « fonction de contrainte » pour s'assurer que les changements voulus auront lieu rapidement, avant que la majeure partie des décisions importantes en matière d'approvisionnement militaire soient prises dans les quelques années à venir. Ceci se traduit par une seule exigence essentielle : il faut qu'on ait un effort de coopération entre les ministères et agences du gouvernement, en collaboration avec l'industrie, dans lequel on prend clairement les choses en main, avec une responsabilisation des parties intéressées et des buts, des indicateurs et un processus d'évaluation clairement définis.

Frégates de classe Halifax en mer. Frégates de classe Halifax en mer (photo : ministère de la Défense nationale)

Section 10 : Conclusions

Le Canada a la possibilité d'exploiter les circonstances exceptionnelles liées à la période actuelle d'augmentation soutenue de l'approvisionnement militaire pour favoriser une trajectoire de croissance à long terme pour nos industries du secteur de la défense. Cela ne pourra pas se faire avec un ensemble de politiques d'approvisionnement et de programmes connexes qui relèvent du statu quo, en particulier à la lumière de l'augmentation à venir des pressions concurrentielles exercées par les fournisseurs étrangers qui font face à la baisse des marchés ailleurs dans le monde. Dans le même temps, il sera important de maintenir un certain degré de continuité dans l'approche globale adoptée par le Canada pour l'approvisionnement, qui est fondée sur l'équité, la transparence et la concurrence, dans l'optique d'assurer l'optimisation des ressources pour les contribuables canadiens.

Liste des capacités industrielles clés sur le spectre continu de l'approvisionnement de la défense

Il faut trouver un équilibre. Le groupe d'experts pense que la sélection de capacités industrielles clés peut constituer la base même de cet équilibre. Avec une approche centrée sur les CIC, on vise l'excellence dans un petit nombre de secteurs clés, qui forment une part relativement petite de l'ensemble de l'approvisionnement militaire, ce qui atténue du même coup les coûts et les risques à court terme, mais maintient le potentiel de gains importants en innovation et en capacité concurrentielle à long terme.

La sélection des CIC doit se faire à partir de critères globaux, mais pragmatiques, qui émanent des besoins du pays sur le plan de la défense et de la sécurité et des perspectives de croissance à long terme pour l'emploi et le revenu. Plus précisément, les critères proposés dans le présent rapport concernent les exigences uniques propres aux Forces canadiennes, le potentiel d'une croissance principalement liée à l'exportation et une capacité d'approvisionnement de calibre international axée sur l'innovation.

La plupart des décisions importantes qu'il reste à prendre en matière d'approvisionnement dans le cadre de la SDCD sont censées avoir lieu au cours des quelques années à venir. En conséquence, nous proposons une série provisoire de CIC qu'on pourrait utiliser pour orienter ces décisions, en ayant à l'idée un processus de réévaluation régulier—tous les quatre ans environ—des CIC choisies à la lumière de l'expérience acquise et de la plus grande précision des données recueillies et des analyses effectuées. Il faut faire un effort tout particulier dans ce dernier domaine, pour lequel le groupe d'experts propose la mise sur pied d'un institut ou d'un réseau d'analyse de la défense dirigée par une tierce partie.

Il faudrait instituer des volets spéciaux relatifs aux CIC dans les politiques et les programmes existants. En effet, pour que les CIC jouent un rôle efficace dans l'amélioration du rendement industriel de la défense, il faudra que le gouvernement envisage d'apporter des changements importants aux politiques et aux programmes aussi bien du côté de l'offre que du côté de la demande. À cet égard, l'approche adoptée dans le présent rapport et celle de l'EPPAE récemment publié se rejoignent.

Enfin, nous insistons sur le fait qu'il faudrait également prendre des mesures spéciales dans la direction et la gestion de l'initiative des CIC afin d'assurer l'offre en temps opportun d'un effort efficace de coopération à l'échelle de l'ensemble du gouvernement.

Section 11 : Recommendations

Le groupe d'experts approuve vivement la mise en œuvre du concept des capacités industrielles clés, qui doit servir de force motrice et active pour exploiter pleinement les possibilités économiques offertes aux Canadiens par les projets prévus d'approvisionnement militaire. Les recommandations globales suivantes—dont la justification est développée tout au long du présent rapport—représentent nos conseils pour atteindre cet objectif :

  1. Il est nécessaire de considérer qu'il y a urgence en ce qui concerne la mise en œuvre d'un ensemble d'initiatives axées sur les CIC, vu que :
    1. on prévoit de prendre des décisions au cours des trois prochaines années en ce qui a trait à la majorité des processus importants d'approvisionnement militaire restants qui découlent de la Stratégie de défense Le Canada d'abord (SDCD);
    2. il y a un besoin d'exploiter les capacités canadiennes, en raison de la dynamique concurrentielle qui évolue rapidement dans l'environnement / sur le marché mondial de la défense;
    3. il y a une occasion qui se présente de capturer dès les premiers stades les retombées économiques d'une approche de l'approvisionnement militaire axée sur les CIC.
  2. Il faudrait que la sélection des CIC se fasse selon les critères suivants :
    1. les besoins spécifiques définis par lesForces canadiennes;
    2. la réussite d'une percée sur les marchés mondiaux;
    3. les débouchés pour les produits innovateurs.
  3. Étant donné l'urgence de la situation, il faudrait adopter les séries suivantes de CIC de façon provisoire pour orienter les décisions en matière d'approvisionnement militaire :
    • sécurité de l'Arctique et sécurité maritime
    • protection des soldats
    • commandement et soutien
    • cybersécurité
    • systèmes de formation
    • soutien en service
  4. Pour mieux guider l'approvisionnement à l'avenir et faciliter le réexamen régulier des CIC, il faudrait que le gouvernement élabore un plan de travail robuste pour la collecte et l'analyse des données sur les conditions globales de l'offre et de la demande dans les in-dustries liées à la défense. Dans le cadre de ce plan de travail, il faudrait que le gouvernement permette la mise sur pied d'un institut ou d'un réseau d'analyse militaire indépendant dirigé par une tierce partie.
  5. La seule façon pour le gouvernement de profiter pleinement des retombées des CIC est d'apporter des modifications à ses politiques et ses programmes d'approvisionnement militaire existants. Nous recommandons les changements suivants :
    1. faire de l'innovation et de la contribution à l'économie canadienne des facteurs clés dans tous les projets d'approvisionnement militaire à l'avenir, en exigeant que les soumissionnaires précisent, à l'avance, sous la forme d'engagements qui seront cotés, la valeur qu'ils ajouteront à l'économie du Canada grâce à leur soumission; il faudrait que les offres incluent au minimum les éléments suivants : transfert de technologie et conservation des éléments de PI, innovation sur place dans le pays, mandats d'envergure mondiale pour les produits et développement de compétences et de formations spécifiques;
    2. réexaminer et réformer l'ensemble des politiques et des pratiques d'approvisionnement militaire abordées dans le présent rapport—par exemple, en ce qui a trait à l'exception au titre de la sécurité nationale et de la Politique sur le contenu canadien—pour encourager et favoriser de façon plus efficace l'innovation industrielle au Canada, en se concentrant sur les domaines des CIC;
    3. réexaminer la pratique voulant que l'entrepreneur principal soit le « point unique de responsabilisation » (PUR). Chaque plan d'approvisionnement devrait examiner l'impact du PUR sur la mise en œuvre d'une stratégie d'approvisionnement pour la défense;
    4. exiger, pour les contrats de soutien en service (SES), dans le souci de préserver la souveraineté et les retombées économiques, la participation ou la direction d'entreprises canadiennes, en incluant, si nécessaire, un niveau raisonnable d'accès aux éléments de PI exigés.
  6. Afin de réduire la dépendance vis-à-vis des RIR, il faudrait que le gouvernement cherche, au fil du temps, à ménager un meilleur équilibre dans le portefeuille des options d'approvisionnement : (1) développer un nouveau produit sur le marché intérieur; (2) adapter un produit existant aux besoins du Canada; (3) développer un produit dans le cadre d'un partenariat international; (4) faire l'acquisition d'un produit existant de l'étranger. Aucune des quatre options ne devrait représenter plus de 50 p. 100 du porte-feuille.
  7. Le gouvernement devrait prendre des mesures visant à assurer la bonne gouvernance d'un approvisionnement axé sur les CIC :
    1. en nommant un haut fonctionnaire responsable, par l'entremise d'un processus de gouvernance de soutien, de la mise en œuvre d'une stratégie axée sur les CIC, allant des politiques aux opérations, avec l'objectif de réaliser un ensemble de résultats cohérents « à l'échelle de l'ensemble du gouvernement », qui maximalise les retombées économiques pour le Canada;
    2. en fournissant les ressources appropriées pour les principaux secteurs d'importance, en particulier la gestion des retombées industrielles et régionales (RIR);
    3. en poursuivant l'approche adoptée dans la SDCD, avec la consultation de l'industrie dès le début du processus d'approvisionnement, afin d'améliorer la planification des activités commerciales et les décisions en matière d'investissement.
  8. Étant donné l'urgence de la mise en place d'une stratégie d'approvisionnement pour la défense, il faudrait que le gouvernement produise d'ici un an un rapport sur les progrès accomplis dans l'application des recommandations ci-dessus.

Les arguments en faveur d'une stratégie d'approvisionnement militaire axée sur les CIC sont très convaincants. La portée et l'ampleur de l'approvisionnement prévu dans le cadre de la SDCD exigent une réponse rapide et détaillée du gouvernement, puisqu'il s'agit d'une possibilité unique du type qu'on ne rencontre qu'une fois dans sa vie d'exploiter l'approvisionnement militaire pour produire des retombées économiques durables à long terme. Le catalyseur crucial de cette réponse est l'adoption par le gouvernement de mesures se concentrant sur la mise sur pied de CIC.

Annexe 1 : Biographies des membres du groupe d'experts

P. Thomas (Tom) Jenkins, O.C., MACG, M.B.A., M.Sc.A., B.Ing. & Gest.
Président exécutif et directeur stratégique, OpenText Corporation

P. Thomas Jenkins est le président exécutif et le directeur stratégique de la société OpenTextMC Corporation (NASDAQ: OTEX, TSX: OTC) de Waterloo en Ontario (Canada), qui est une multinationale spécialisée dans la conception de logiciels d'entreprise d'une valeur d'un milliard de dollars et le plus grand producteur de logiciels au Canada. Les logiciels d'OpenText servent à la gestion des informations en entreprise, ce qui permet aux organismes de renforcer leur productivité, d'automatiser les processus et de gérer de grands volumes de données électroniques (documents, courriels, vidéos, pages Web et autres supports numériques), tout en respectant les exigences des règlements et des autres textes de loi en vigueur.

Chez OpenText, M. Jenkins a joué un rôle déterminant dans la création de l'un des premiers moteurs de recherche sur Internet, utilisé par Netscape®, Yahoo!® et IBM®. En partenariat avec Netscape, et plus tard Microsoft, M. Jenkins a, par la suite, dirigé le développement du premier système de gestion de documents sur Internet, ainsi que des logiciels précurseurs de la gestion des opérations, des portails et des réseaux sociaux sur Internet. M. Jenkins est l'auteur de EIM : Behind the Firewall et de Managing Content in the Cloud et il a collaboré aux trois ouvrages de la trilogie Enterprise Management Content.

M. Jenkins a été le président du groupe d'experts sur le soutien du gouvernement fédéral à la recherche-développement, qui a présenté en octobre 2011 son rapport sur les dépenses de sept milliards de dollars du gouvernement fédéral dans le domaine de la recherche pour aider l'économie du Canada à devenir plus innovatrice. M. Jenkins est aussi le président du centre d'excellence fédéral du Canadian Digital Media Network (CDMN). Il est membre désigné du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et a été membre désigné du Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence du gouvernement du Canada, qui a présenté son rapport en 2008, ainsi que du groupe chargé de l'Examen du Réseau ontarien de commercialisation (ROC), qui a présenté son rapport en 2009. Il a également été président de la table ronde sur l'innovation du premier ministre de l'Ontario en 2010. M. Jenkins est aussi membre du conseil d'administration de BMC Software Inc., producteur de logiciels basé à Houston, au Texas. Il est également membre du conseil d'administration de l'Institut C. D. Howe et du Conseil canadien des chefs d'entreprises (CCCE). M. Jenkins est l'un des fondateurs de Communitech, association du secteur de la technologie dans la région de Waterloo. M. Jenkins a été cadet de l'Aviation royale du Canada et nommé par la suite officier dans la Réserve des Forces canadiennes. Il a à l'heure actuelle le titre de colonel honoraire des Royal Highland Fusiliers of Canada (RHFC), régiment d'infanterie de réserve de la région de Waterloo.

M. Jenkins détient un M.B.A. de la Schulich School of Business de l'Université York, une maîtrise ès sciences appliquées en génie électrique de l'Université de Toronto et un baccalauréat de sciences et de gestion en direction d'études techniques en génie physique et en commerce de l'Université McMaster. Il a reçu une bourse d'études supérieures du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG), une bourse d'études de l'Université de Toronto, une bourse d'études des chanceliers de l'Université McMaster, le prix de l'Entrepreneur de l'année en 2009 en Ontario, le prix L. W. Shemilt de distinction en génie des anciens étudiants de l'Université McMaster en 2010 et le prix du leadership en direction de la Schulich School of Business en 2010. Il est membre de l'Académie canadienne du génie et a reçu le titre d'Officier de l'Ordre du Canada.

Ray Castelli
Président-directeur général, Weatherhaven

Weatherhaven est l'un des principaux fournisseurs au monde de systèmes de camps et d'abris redéployables. Avec des opérations sur cinq continents, l'entreprise a fourni ses solutions à plus de 20 clients militaires dans le monde entier. Il s'agit d'une entité possédée et exploitée à 100 p. 100 par des Canadiens, qui est fière d'avoir apporté son appui à toutes les missions canadiennes de maintien de la paix depuis 1989.

Les rôles professionnels antérieurs de M. Castelli comprennent celui de premier dirigeant d'une entreprise d'énergie éolienne, celui de vice-président exécutif pendant six années d'une compagnie internationale de services d'approvisionnement et celui de directeur de la planification stratégique et du développement organisationnel pendant six années chez Alcan Aluminium. Il est un ancien élève de l'INSEAD et de la faculté d'administration des affaires de l'Université Simon Fraser et a auparavant servi le gouvernement canadien en tant que chef de cabinet du ministre de la Défense nationale.

Né et élevé à Prince-Rupert, en C.-B., M. Castelli est citoyen du Canada et de l'Union européenne et parle cinq langues. En décembre 2011, M. Castelli a été nommé par le premier ministre de la Colombie-Britannique pour présider le conseil nouvellement créé BC Jobs and Investment Board et il a aussi été nommé au Forum des PDG Brésil-Canada par le ministre fédéral du Commerce international. M. Castelli a récemment été nommé président du conseil d'administration de la Corporation commerciale canadienne.

Christyn Cianfarani
Directrice des programmes gouvernementaux, de la recherche-développement et de la propriété intellectuelle, CAE Inc.

Christyn Cianfarani est directrice des programmes gouvernementaux, de la recherche-développement et de la propriété intellectuelle chez CAE Inc. Elle travaille pour cette entreprise depuis plus de 15 ans et a assuré la direction de divers départements, de la gestion des produits à la gestion des appels d'offres. Dans son rôle actuel, elle est responsable des stratégies, des analyses de rentabilisation, de l'exécution et de la conformité des contrats pour les grands programmes de R-D du gouvernement, comme l'Initiative stratégique pour l'aérospatiale et la défense (ISAD) et Recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE), ainsi que divers programmes provinciaux de R-D. Elle est également responsable de la gouvernance et de la gestion d'entreprise pour le portefeuille de R-D mondiale de CAE et de son portefeuille de recherche universitaire et de recherche en partenariat de collaboration.

Mme Cianfarani est responsable de la propriété intellectuelle chez CAE. Elle couvre le portefeuille de PI de CAE sur toute sa durée de vie, depuis la stratégie jusqu'à l'exécution (validation, divulgation, brevets), dans l'optique d'assurer la monétisation et la protection de la PI.

Mme Cianfarani a représenté CAE lors de l'examen de la recherche-développement au Canada et a participé aux multiples groupes de travail ayant apporté leur contribution à l'EPPAE.

Mme Cianfarani détient une M.A. de l'Université de Toronto et un B.A. du Collège militaire royal du Canada, où elle a été un membre des Forces armées du Canada (service régulier) dans la Marine royale du Canada.

Major-général (retraité) David Fraser
Ancien commandant, Force opérationnelle en Afghanistan

Le major-général Fraser a été nommé officier d'infanterie à l'obtention de son diplôme de baccalauréat ès arts à l'Université Carleton, en 1980. Il a occupé différents postes de commandement et d'état-major au PPCLI, de celui de commandant de peloton à celui de commandement de bataillon pour les 2e et 3e bataillons. En 1990, il a étudié au Collège de commandement et d'état-major des Forces canadiennes à Toronto.

Après sa promotion au rang de lieutenant-colonel, il a été posté à Calgary comme chef d'état-major pour le district d'Alberta et, en 1996, il a pris en charge le commandement du 2PPCLI. Il a mené le bataillon en Bosnie en tant que premier groupement tactique canadien avec la SFOR. Son déploiement avec le bataillon a compris le soutien lors de la tempête de verglas au Québec en 1998.

Après le commandement, il a déménagé à Ottawa et a été directeur de la disponibilité opérationnelle de la Force terrestre 3, responsable de toute la planification et de toutes les tâches de l'Armée. Il a joué un rôle majeur dans la planification de la participation du Canada aux missions au Kosovo et au Honduras. Le major-général Fraser a alors été nommé directeur de projet pour la restructuration de la Réserve de la Force terrestre, responsable de l'élaboration de nouvelles capacités et tâches de l'armée pour la Réserve de l'armée.

Le major-général Fraser a obtenu sa maîtrise en gestion et politique de défense au Collège militaire royal (CMR) et à l'Université Queen's en 2001.

En 2003, le major-général Fraser a été affecté au Groupe de planification binational à Colorado Springs, au Colorado, où il a occupé le poste de codirecteur jusqu'en 2005. Il a reçu la médaille de la Légion du mérite des États-Unis pour son travail. Le 29 juin 2005, le major-général Fraser a pris en charge le commandement du 1er Groupe-brigade mécanisé du Canada (1 GMBC) et a été promu brigadier-général peu de temps après. Il a officiellement pris en charge le commandement de la brigade multinationale (Commandement régional Sud) en Afghanistan le 28 février 2006, jusqu'en novembre 2006. Pour cette mission, il a reçu l'étoile de bronze des États-Unis, la Médaille du mérite en or des Pays-Bas et la Croix pour service méritoire du Canada. Il était le lauréat du prix Vimy en 2006 pour sa « contribution importante et exceptionnelle à la défense et à la sécurité du Canada », décerné par l'Institut de la conférence des associations de la défense. En 2007, il a reçu le prix du Conseil atlantique du Canada pour sa « contribution exceptionnelle à la poursuite de la paix et de la sécurité internationales pour son leadership en tant que commandant de la Brigade multinationale (Commandement régional Sud) en Afghanistan en 2006 ».

Le major-général Fraser a occupé le poste de commandant du Collège des Forces canadiennes de juillet 2007 à juillet 2009. Il a commandé le Système de la doctrine et de l'instruction de la Force terrestre (SDIFT) et la 1re Division du Canada de décembre 2010 à juin 2011, date à laquelle il a pris sa retraite des Forces canadiennes, après 31 années de service.

Peter Nicholson, Ph.D.
Ancien président et directeur du Conseil des académies canadiennes

M. Nicholson a été le président et premier dirigeant du Conseil des académies canadiennes. La mission du Conseil est de fournir des évaluations indépendantes et expertes de la science sous-jacente aux questions importantes et d'intérêt public et de fournir une voix au Canada pour le compte des sciences, à l'échelle nationale et internationale. Originaire d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, M. Nicholson détient un B.Sc. et une M.Sc. en physique de l'Université Dalhousie et un doctorat (en recherche opérationnelle) de l'Université Stanford, ainsi que des doctorats honorifiques de l'Université Dalhousie, de l'Université Acadia, de l'Université McMaster et l'Université du Québec (INRS).

De 2003 à 2006, M. Nicholson a été chef de cabinet adjoint pour la politique au Cabinet du premier ministre du Canada. Avant cela, il a été conseiller spécial auprès du secrétaire général de l'OCDE. La carrière variée de M. Nicholson a compris des postes de cadre dans le secteur bancaire et dans celui des télécommunications, ainsi qu'un certain nombre de postes dans la fonction publique, notamment celui d'économise invité Clifford-Clark auprès de Finances Canada (1994 – 1995). M. Nicholson est membre de l'Ordre du Canada.

Annexe 2 : Liste des organismes consultés

Annexe 3 : Prévision sur les obligations relatives aux retombées industrielles et régionales

A. Sources de données

  1. Estimations de la valeur des projets pour les futurs approvisionnements liés à la SDCD (nouveaux remplacements dans les flottes principales), à l'exclusion des achats liés au soutien en service (SES)
    • 2013-2015 = 12 milliards de dollars (à l'exclusion du projet de capacité des avions de chasse de prochaine génération)
    • 2016 et au-delà = 30 milliards de dollars

    Source : Ministère de la Défense nationale (octobre 2012)

  2. Estimation du total des obligations brutes relatives aux RIR à la fin 2011 (les données les plus récentes concernant l'année dernière)
    • 23 milliards de dollars
  3. Estimation des obligations brutes relatives aux RIR en 2012
    • 2 milliards de dollars

    Source : Industrie Canada et ministère de la Défense nationale (octobre 2012)

B. Hypothèses

  1. La valeur des contrats pour les projets d'investissement dans la défense est d'environ deux tiers de la valeur des projets correspondants.
  2. La valeur des contrats pour le SES est environ égale à celle du contrat d'acquisition correspondant.
  3. Pour l'acquisition et les contrats de SES, les engagements relatifs aux RIR représentent 100 p. 100 de la valeur des contrats.
  4. Pour la période des prévisions, le « taux de décaissement » (c'est-à-dire, la valeur des montants relatifs aux RIR déjà remplies) annuel moyen des RIR est de 2 milliards de dollars.
  5. Les obligations relatives aux RIR associées aux remplacements des flottes principales pour la période à partir de 2016 (30 milliards de dollars pour la valeur des projets) devraient être déterminées d'ici 2027. Si tel n'était pas le cas, la valeur cumulée des obligations relatives aux RIR jusqu'en 2027 serait inférieure du montant correspondant à ce qui est indiqué à la figure 7a.

C. Calculs des prévisions

  1. Prévision de la valeur totale des contrats d'acquisition
    • (12 + 30) × 0,67 = 28 milliards de dollars
  2. Prévision de la valeur totale des contrats de SES
    • 28 milliards de dollars (égale à C.1)
  3. Prévision de la valeur totale des nouvelles obligations relatives aux RIR (montant brut) en 2027
    • 28 + 28 + 2 = 58 milliards de dollars
  4. 28 + 28 + 2 = 58 milliards de dollars
    • 23 milliards (montant en 2011) + 58 milliards (estimation des nouvelles obligations) 32 milliards (estimation des obligations remplies) = 49 milliards de dollars Note de bas de page *

Annexe 4 : Approches dans les autres pays

L'idée d'une stratégie d'approvisionnement militaire et, plus particulièrement, de la définition de priorités pour développer les capacités industrielles dans le cadre d'une telle stratégie n'est pas nouvelle et a été explorée ou mise en pratique par un certain nombre de pays alliés du Canada. Il est important de remarquer que, bien que les pays énumérés ici aient utilisé ou cessé d'utiliser la définition de capacités prioritaires, il n'existe pas d'exemple existant de stratégie de définition de CIC et d'appui à de telles CIC telle que celle décrite dans le présent rapport. Ces pays sont évoqués de manière à ce que le gouvernement puisse tirer des leçons de l'expérience de ses alliés dans ce vaste domaine.

Australie

En Australie, la responsabilité de l'équipement de défense relève de l'organisation de l'équipement de défense (DMO), agence du ministère de la Défense. Pour réaliser l'objectif d'intégration dans les chaînes de valeur mondiales (CVM) des grands entrepreneurs principaux internationaux et de leurs principaux sous-traitants de la politique industrielle de la défense de l'Australie, le pays a établi une liste des capacités industrielles prioritaires (PIC). Ces PIC confèrent un avantage stratégique essentiel aux industries du pays et, si elles n'étaient pas disponibles, cela saperait la capacité de défense et d'autonomie de l'Australie. Par la même occasion, plusieurs capacités qui n'ont pas été retenues dans la liste des PIC ont été désignées comme étant des capacités industrielles stratégiques (SIC).

La liste des PIC est régulièrement réexaminée et mise à jour et comprend en ce moment les 12 capacités spécifiques suivantes : les technologies et les systèmes acoustiques; les capacités de lutte contre les falsifications; les uniformes de combat et l'équipement personnel; la guerre électronique; l'intégration des systèmes et des systèmes de systèmes; les radars à haute fréquence et les rades synchronisés; les armes d'infanterie et les postes de tir télécommandés; le soutien en service des systèmes de combat des sous-marins; la balistique et les munitions explosives; les installations de cales sèches pour les navires; la gestion des signatures; le soutien pour les logiciels essentiels pour les missions et la sécurité.

Les PIC relèvent exclusivement de la responsabilité du DMO et ont été sélectionnées selon les besoins des Forces armées australiennes (ADF), indépendamment des questions de développement économique ou de développement des exportations. Une fois que les PIC ont été définies, on a entamé un processus d'exécution de ce que le DMO appelle des « contrôles de santé » pour déterminer les outils gouvernementaux, s'il y en a, qui peuvent être utilisés pour améliorer leur développement. Ce processus est toujours en cours et consiste en un rapport à l'usage du gouvernement et une version plus courte non classifiée à diffuser dans l'industrie.

À partir d'un plan prospectif de 10 ans sur les capacités, on encourage les entreprises à présenter des propositions d'innovation en ce qui a trait aux PIC pour obtenir un financement direct sous la forme de contrats de développement dans le cadre du Programme d'innovation des PIC, dans l'optique de disposer de bonnes perspectives de travail supplémentaire dans l'industrie australienne ou de permettre des économies pour les contrats militaires futurs.

Le 30 avril dernier, le ministère de la Défense de l'Australie a annoncé un soutien supplémentaire pour le concept de PIC, avec un financement supplémentaire de plus de 12 millions de dollars australiens (12,5 millions de dollars US) pour les entreprises australiennes en vue de commercialiser de nouvelles technologies militaires dans le cadre des PIC. Ce montant est compris dans les 45 millions de dollars australiens prévus au cours des sept prochaines années pour encourager le développement des technologies et des capacités militaires « essentielles ».

Dans ses consultations avec l'industrie en Australie, le groupe d'experts a découvert certaines difficultés avec l'approche du pays. L'une des préoccupations mentionnées par l'industrie et le gouvernement était le temps que prend la mise en œuvre des programmes dans le cadre de la liste des PIC, qui est beaucoup plus long que le temps pris à définir les capacités dans la liste. L'industrie a aussi exprimé des préoccupations concernant le fait qu'en raison de la longueur du processus de mise en œuvre, dans certains cas il n'y a pour le moment aucun avantage à se lancer dans des activités relevant d'un secteur prioritaire.

Pays-Bas

L'organisation de l'équipement de défense (DMO) relève du ministère de la Défense et est responsable de l'ensemble de l'équipement dans le cadre de l'organisation de la défense, depuis l'approvisionnement jusqu'à la destruction en passant par les grands travaux de maintenance. Le DMO établit aussi sa politique interne en matière d'équipement. Le DMO a été mis sur pied en tant qu'élément distinct du ministère de la Défense, en 2006. Le Commissariat pour la production militaire (CMP) relève du ministère des Affaires économiques, de l'Agriculture et de l'Innovation et vise à encourager la participation concurrentielle de l'industrie de la défense et du secteur des services des Pays-Bas au développement, à la production et à l'approvisionnement en équipement et en services sur le marché de la défense (inter)national. Dans la poursuite de cet objectif, le CMP est responsable, entre autres, du fonctionnement de la politique de contreparties des Pays-Bas et est aussi l'agence responsable de la stratégie industrielle pour la défense du pays.

Le 26 août 2006, le ministre des Affaires économiques, de l'Agriculture et de l'Innovation et le ministre de la Défense ont demandé la définition de modalités d'élaboration d'une vision stratégique portant sur l'industrie liée à la défense aux Pays-Bas. Vers la fin de 2007, ces deux ministres ont conjointement publié une stratégie industrielle pour la défense, établissant une vision stratégique pour l'industrie de la défense du pays et le rôle du gouvernement dans son maintien. La stratégie cherche à exploiter les débouchés internationaux et à encourager la synergie entre les besoins des forces armées néerlandaises et ceux du marché civil, en raison de la taille relativement petite de l'industrie de la défense néerlandaise. Cette réalité a mené le gouvernement néerlandais à favoriser certains secteurs de spécialisation. À partir de ce contexte, la stratégie détermine les domaines technologiques dans lesquels l'industrie néerlandaise a la capacité d'exceller et de consolider sa position sur le marché mondial de la défense (principalement sur le marché européen). Les six secteurs technologiques prioritaires dans la stratégie industrielle pour la défense néerlandaise sont les suivants : C4IR (commandement, contrôle, communications, informatique et renseignement); systèmes de détection; conception, développement et production de plates-formes intégrées; électronique et « mécatronique »; équipements avancés; et environnements de simulation, de formation et de synthèse.

La stratégie accorde aussi au ministère de la Défense un rôle important de client principal pour de nouvelles technologies spécifiques. Ce faisant, elle reconnaît le besoin pour lui de participer aux programmes multinationaux de développement et de production dès leurs premières étapes, comme c'est le cas dans la participation au Programme d'avion d'attaque interarmées.

La Stratégie industrielle de la défense de 2007 est en cours de mise à jour et on prévoit que la nouvelle version sera publiée au cours de la première moitié de 2013, sous la direction du ministère des Affaires économiques (Commissariat pour la production militaire).

Suède

La Suède maintient traditionnellement une base industrielle intérieure à rendement élevé dans le secteur de la défense. La nature de cette capacité industrielle est cependant en cours d'évolution, les entrepreneurs principaux ayant tendance à fusionner. Le cas le plus notable est celui de deux entreprises suédoises : Hägglunds, fabricant de véhicules blindés et producteur du véhicule de combat d'infanterie CV90, a été racheté par la multinationale britannique BAE Systems, tandis que Thyssen Krupp, entreprise allemande, a fait l'acquisition du chantier maritime Kockums en 2005. Les propriétaires de Saab AB, la plus grande compagnie d'aéronautique et de défense du pays, sont des Suédois.

En Suède, l'approvisionnement militaire relève de la responsabilité de l'Agence de l'équipement de défense, ou FMV, qui relève à son tour du ministère de la Défense. Pendant ce temps, depuis août 2010, la responsabilité du soutien aux ventes d'exportation dans le secteur de la défense a été transférée à une nouvelle agence, qui relève elle aussi du ministère de la Défense de la Suède, l'Autorité des exportations de défense, ou FMX. La priorité accordée aux exportations est en grande partie le résultat du fait que les ventes à l'exportation représentent 85 à 90 p. 100 du chiffre d'affaires de plusieurs compagnies dans le secteur suédois de la défense. Le pays n'a pas de politique industrielle pour la défense explicitement énoncée; il n'a pas non plus pour l'instant de liste officielle de capacités industrielles protégées.

En 2009, le secrétaire d'État pour la Défense de la Suède, Hakan Jevrell, a signalé la fin d'une politique de longue date de la Suède, qui était de moins en moins abordable et qui consistait à maintenir l'autonomie industrielle et le développement de technologies avancées à l'intérieur du pays. Il a indiqué que le pays souhaitait se concentrer sur l'acquisition progressive et les systèmes disponibles dans le commerce et il a affirmé que, même si le ministère de la Défense allait continuer à appuyer la recherche-développement militaire, il le ferait « de manière plus sélective ». Il a déclaré : « Il s'agit d'équilibrer les priorités et de choisir plus attentivement les projets. » Il a poursuivi en ajoutant que le gouvernement continuerait à financer les secteurs prioritaires « où [la] recherche [suédoise] est déjà de renommée internationale » [traduction]. L'une des capacités pour lesquelles le gouvernement a exprimé le désir de conserver une capacité souveraine est sa capacité intérieure qui est depuis longtemps de renommée internationale en matière de conception et de construction de sous-marins.

Royaume-Uni

La stratégie industrielle pour la défense du Royaume-Uni a, depuis 2005, deux aspects essentiels : définir les capacités industrielles requises à l'intérieur du pays (tout en reconnaissant que d'autres capacités seront recherchées par l'entremise de la collaboration et de la concurrence internationales); et expliquer plus clairement les facteurs qui influenceront les décisions en matière d'approvisionnement, l'objectif global étant de maintenir au R.-U. les capacités industrielles (infrastructures, compétences et connaissances) nécessaires pour garantir sa souveraineté. La stratégie a trois composantes interdépendantes :

Ce cadre stratégique a été mis à jour en 2010, d'abord avec la publication d'un livre vert (document de consultation), puis en février 2012 avec la publication d'un livre blanc du gouvernement, qui prend du recul par rapport à l'approche précédente. Le nouveau livre blanc définit la compétition comme étant la position par défaut pour l'approvisionnement militaire, avec l'exception des mesures pour protéger les avantages technologiques essentiels pour la sécurité nationale, et il évite explicitement des secteurs particuliers de protection, comme en 2005, dans le but de maximiser la liberté d'action en période de restrictions budgétaires et d'imprévisibilité de la menace, tout en mettant l'accent sur l'augmentation du soutien à la science, à la technologie et aux PME. Pour aborder et expliquer ces changements, le ministre de l'époque responsable de l'équipement, du soutien et de la technologie pour la défense, Peter Luff, a fait la déclaration suivante en juin 2012 :

« La stratégie industrielle pour la défense de 2005 a dressé la liste des capacités dont l'industrie disposait. Elle a ensuite indiqué ce que le gouvernement ferait pour les protéger. Cela a permis à tout le monde d'affirmer que sa capacité était essentielle et que, implicitement, le MOD aurait à le financer. Cette approche s'est avérée être inabordable, et en fin de compte illogique dans notre ère de changements rapides. Par rapport à cela, le livre blanc National Security Through Technology (“la sécurité nationale grâce à la technologie”) fait ce que son titre indique. Il établit une approche qui commence par ce dont l'État a besoin pour sa sécurité. Puis il étudie les différents moyens de répondre à ces besoins, il indique ce qui est abordable, ce dont le gouvernement fera l'acquisition et le processus qui sera suivi. Nous sommes désormais en train d'intégrer cette approche. » [traduction]

États-Unis

Bien que les É.-U. s'opposent officiellement aux politiques et aux pratiques en matière de participation industrielle, parce que le pays les considère comme des distorsions de l'économie de marché, le pays a une politique claire, voire explicitement définie, en ce qui concerne l'industrie de la défense, avec un sous-secrétaire adjoint à la Défense responsable : de toutes les décisions en matière de fusions et d'acquisitions, sur le marché intérieur ou à l'étranger, qui touchent l'industrie de la défense des É.-U.; des relations entre le ministère et les industries de la défense et de l'aéronautique de l'OTAN; et de la santé générale de la base industrielle de défense des É.-U.

Il y a de nombreux aspects dans les politiques relatives à l'industrie de la défense des É.-U. : assurer des sources d'approvisionnement pour les articles essentiels; protéger les technologies essentielles; s'assurer, de façon générale, que la base industrielle intérieure dans le secteur de la défense soit en mesure de soutenir les intérêts de sécurité nationale du pays (ce dernier enjeu ayant fait l'objet d'une attention toute particulière au cours des derniers mois), dans le contexte des fluctuations de l'offre et de la demande; et examiner la santé des entreprises pour mesurer les risques liés aux capacités d'approvisionnement futures.

La taille de l'approvisionnement militaire des É.-U., même avec des réductions potentielles, a une très grande incidence sur les capacités technologiques américaines; cependant, lorsqu'il planifie ses acquisitions, le département de la Défense sélectionne les technologies prometteuses en provenance de toutes les sources, qu'elles relèvent du marché intérieur ou de l'étranger, ce qui suscite un potentiel important pour les innovations développées au Canada, qui peuvent toucher un marché plus vaste que le marché intérieur du Canada pour l'approvisionnement militaire.

Annexe 5 : Liste des capacités des membres de l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité

  1. Assurance de l'information et cybersécurité / sécurité des TI, intégration des systèmes et soutien en service
  2. Surveillance radar depuis l'espace
  3. Intégration des systèmes C4ISR
  4. Soutien en service de la plate-forme, soutien logistique intégré, maintenance, réparation et remise en état
  5. Systèmes et solutions C4ISR
  6. Consignes et munitions
  7. Armes légères
  8. Industries de la construction navale et marine
  9. Véhicules blindés
  10. Aéronefs, aéronefs de mission spécialisée et affectation en mission des aéronefs
  11. Systèmes et solutions de simulation et de formation
  12. Détection, protection et décontamination des agents CBRNE
  13. Vêtement et équipement de protection personnelle
  14. Abris et conteneurs
  15. Services de TI, d'approvisionnement, de gestion, de test et d'évaluation et de R-D
  16. Moteurs et production d'électricité

Liste des figures

Bibliographie

ARCAND Alan et al., Fuel for Thought: The Economic Benefit of Oil Sands Investment for Canada's Regions. Octobre 2012. Ottawa: The Conference Board of Canada. (disponible en anglais seulement)

AICDS, Advice from the Canadian Association of Defence and Security Industries (CADSI) to the Minister of Industry on the Government's Industrial and Regional Benefits (IRB) Program, Ottawa, AICDS, 24 juillet 2012. (Version PDF 941KB) (disponible en anglais seulement) (Aide avec les médias substituts)

AICDS, L'industrie canadienne de défense : un partenaire essentiel dans le maintien de la stabilité économique et des intérêts nationaux du Canada (avec annexe sur la recherche internationale), Ottawa, AICDS. (disponible en anglais seulement)

AICDS, KPMG Report: Economic Impact of Defence and Security Industry in Canada, Ottawa, AICDS, 27 septembre 2012. (disponible en anglais seulement)

Bureau du vérificateur général du Canada, 1992—Rapport du vérificateur général du Canada, chap. 16, Ottawa, Bureau du vérificateur général du Canada, 1992.

Commissariat for Military Production, Defence Industrial Strategy, La Haye, Pays-Bas, Ministère des Affaires économiques. (disponible en anglais seulement)

Department of Defence, Building Defence Capability: a Policy for a Smarter and More Agile Defence Industry Base, Canberra, Ministère de la Défense de l'Australie, 2010. (Version PDF 8Mo) (disponible en anglais seulement) (Aide avec les médias substituts)

Examen du soutien fédéral de la recherche-développement, Innovation Canada : Le pouvoir d'agir, Rapport final du groupe d'experts, Ottawa, Examen du soutien fédéral de la recherche-développement, 2011.

Examen du soutien fédéral de la recherche-développement, Innovation Canada : Le pouvoir d'agir – Rapport spécial sur l'achat et l'approvisionnement, Ottawa, Examen du soutien fédéral de la recherche-développement, 2011.

Industrie Canada, « Politiques des retombées industrielles et régionales », Ottawa, Industrie Canada.

Jane's Defence Industry, « Australia Looks to Boost Innovation in Strategic Priority Areas », Londres, IHS Jane's, 16 février 2011.

Jane's Defence Weekly, « Sweden Urges Further Industrial Consolidation Across Europe », London, IHS Jane's, 9 novembre 2009.

Ministère des Finances, Budget 2011 – Des impôts bas pour stimuler la croissance et l'emploi, Ottawa, Ministère des Finances.

Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Stratégie mondiale axée sur le commerce d'intégration : défense et sécurité, Ottawa, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, 2011.

Ministère de la Défense nationale, Stratégie de défense Le Canada d'abord, Ottawa, Ministère de la Défense nationale, 2008.

Ministry of Defence, National Security Through Technology: Technology, Equipment, and Support for UK Defence and Security (Cm 8278), Londres, Ministère de la Défense du Royaume-Uni, février 2012. (disponible en anglais seulement)

Office of the Under Secretary of Defense (Comptroller), National Defense Budget Estimates for FY 2013. Arlington, Ministère de la Défense des États-Unis, mars 2012.

PECK Merton J. et Frederic M. SCHERER, The Weapons Acquisition Process— An Economic Analysis, Boston, Division of Research, Harvard Business School, 1962.

Rapport de l'Examen de l'aérospatiale, Au-delà de l'horizon : les intérêts et l'avenir du Canada dans l'aérospatiale, Ottawa, Examen des programmes et des politiques de l'aérospatiale et de l'espace, novembre 2012.

Royal United Services Institute (RUSI), Minister for Defence Equipment and Support, gives the keynote speech at RUSI's Defence, Industries and Society Conference, 2012, Londres, RUSI. (disponible en anglais seulement).

Statistique Canada, Enquête sur le secteur canadien de l'aérospatiale commerciale, de la défense, de l'industrie navale et de la sécurité industrielle, 2007, n˚ 2933, Ottawa, Statistique Canada, 9 novembre 2009.

Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), 2012 SIPRI Yearbook, Stockholm, Stockholm International Peace Research Institute, 2012. (disponible en anglais seulement)

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Conférence CANSEC, Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 6 juin 2011.

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Tirer parti de nos achats militaires (CANSEC 2012), Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 30 mai 2012.

WATTS Barry D. et Todd HARRISON, Sustaining Critical Sectors of the U.S. Defense Industrial Base, Washington, DC, Center for Strategic and Budgetary Assessments, 2011. (disponible en anglais seulement)

Liste des sigles

AICDS
Association des industries canadiennes de défense et de sécurité
ARSVF
Aéronefs de recherche et sauvetage à voilure fixe
ASFC
Agence des services frontaliers du Canada
C4ISR
Commandement, contrôle, communications, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance
CIC
Capacité industrielle clé
CNG
Chasseurs de nouvelle génération
COTS
Produits disponibles dans le commerce
CRSH
Conseil de recherches en sciences humaines
CVM
Chaîne de valeur mondiale
DMO
Defence Materiel Organization (Australie)
DMO
Defence Materiel Organisation (Pays-Bas)
DoD
Department of Defense (É.-U.)
EPPAE
Examen des programmes et des politiques de l'aérospatiale et de l'espace
FC
Forces canadiennes
FMV
Agence de l'équipement de la défense (Suède)
FMX
Régie des exportations de défense (Suède)
FSEO
Fournisseur de systèmes d'entraînement opérationnel
IC
Industrie Canada
ISAD
Initiative stratégique pour l'aérospatiale et la défense
ITAR
International Traffic in Arms Regulations
MAECI
Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international
MDN
Ministère de la Défense nationale
MECC
Conteneur mobile extensible
MOD
Ministry of Defence (R.-U)
NCC
Navires de combat canadiens
NORAD
North American Aerospace Defense Command
NPEA
Navires de patrouille extracôtiers / de l'Arctique
NSI
Navire de soutien interarmées
ODR
Organisme de développement régional
OTAN
Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
PAM
Programme d'approvisionnement en munitions
PARI
Programme d'aide à la recherche industrielle
PCCI
Programme canadien pour la commercialisation des innovations
PI
Propriété intellectuelle
PIB
Produit intérieur brut
PIC
Priority Industry Capability (Australie)
PME
Petites et moyennes entreprises
PUR
Point unique de responsabilisation
R-D
Recherche-développement
RDDC
Recherche et développement pour la défense Canada
RIR
Retombées industrielles et régionales (politique « de contreparties » du Canada)
RS&DE
Recherche scientifique et développement expérimental
RSR
Renseignement, surveillance et reconnaissance
SAD
Stratégie d'approvisionnement de la défense
SDCD
Stratégie de défense Le Canada d'abord
SES
Soutien en service
SIC
Strategic Industry Capability (Australie)
SNACN
Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale
SVSM
Système de véhicules de soutien moyen
TDDC
Technologies du développement durable du Canada
TPGSC
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
VBL
Véhicule blindé léger
VBP
Véhicules blindés polyvalents
VCR
Véhicule de combat rapproché

Notes de bas de page

Note de bas de page *

Le montant des obligations relatives aux RIR en valeur nette (non réalisées) en 2027 ne peut que faire l'objet d'estimations grossières, en raison de l'incertitude importante qui entoure le taux de réalisation sur la période 2012-2027 et le montant déjà réalisé en 2011.

Retour à la référence de la note de bas de page *

Note de bas de page 1

La source de ces chiffres est la suivante : Office of the Under Secretary of Defense (Comptroller), National Defense Budget Estimates for FY 2013, mars 2012, tableau 6-1. Il y a de nombreuses classifications différentes des dépenses de défense et de sécurité aux É.-U. selon qu'on inclut ou exclut certains organismes domestiques comme Homeland Security ou les « opérations de contingence à l'étranger » (p. ex., le coût des conflits en Iraq et en Afghanistan).

Retour à la référence de la note de bas de page 1

Note de bas de page 2

La participation du Canada à une base industrielle nord-américaine intégrée date de l'Accord sur le partage de la production de défense signé en 1956, ce qui donne aux entreprises canadiennes un accès à l'approvisionnement du ministère de la Défense américain. L'accord a été modifié en 1963 afin d'inclure la stipulation d'un équilibre approximatif de l'échange à plus long terme. Les contrats avec le ministère de la Défense américain et la NASA sont gérés par la Corporation commerciale canadienne (CCC).

Retour à la référence de la note de bas de page 2

Note de bas de page 3

Barry Watts et Todd Harrison, Center for Strategic and Budgetary Assessments, Sustaining Critical Sectors of the U.S. Defense Industrial Base, 2011.

Retour à la référence de la note de bas de page 3

Note de bas de page 4

KPMG, Economic Impact of the Defence and Security Industry in Canada (2011). Veuillez noter que l'étude comprend le MDN, la GRC, les autres services de police, les dépenses de l'ASFC et de SCC, et que le MDN représente 84,3 p. 100 du total.

Retour à la référence de la note de bas de page 4

Note de bas de page 5

Center for Strategic and Budgetary Assessments, Sustaining Critical Sectors of the U.S. Defense Industrial Base.

Retour à la référence de la note de bas de page 5

Date de modification :